Des pêcheries congolaises situées à la côte ouest du Lac Edouard (Nord-Kivu) rapportent de plus en plus des attaques des crocodiles contre des populations. Alors que ces attaques étaient sporadiques les années passées; à Kyavinyonge, une enclave de pêche située à près de 80 Km Sud-est de Butembo, des pêcheurs ont affirmé avoir enregistré au moins neuf morts à la suite des attaques des crocodiles entre décembre 2023 et février 2024.
Les victimes sont notamment des pêcheurs et des habitants qui sont happés à la plage côtière alors qu’ils tentent soit de rejoindre leurs activités de pêche, soit encore de se baigner ou de se ravitailler en eau dans le lac Edouard, principale source d’eau pour les activités ménagères dans les villages de la Coopérative des pêcheries des Virunga (COOPEVI).
Des incidents qui inquiètent les habitants qui en appellent à l’érection des grilles dans certaines zones pour leur permettre d’avoir un accès sécurisé au lac. Reportage.
Sous un soleil de plomb, nous rencontrons le pêcheur Kasereka Silulegha assis sous l’ombre d’un arbre à Muhindo, un quartier de l’enclave de pêche de Kyavinyonge situé à la côte ouest du Lac Edouard.
Cet armateur d’une quarantaine révolue partage ses moments de tristesse avec son collègue pêcheur, tout en suivant l’évolution des activités de deuil qui se déroulent dans sa parcelle, à 100 mètres de là.
Car il y a une semaine, Kasereka Silulegha a perdu l’un de ses fils, happé par un crocodile. Il accepte de nous conduire à son domicile pour nous parler de cet incident qui l’attriste.
«Mon fils était parti se baigner à la côte, mais il n’est plus revenu. Car un crocodile l’a attaqué et nous n’avons repêché qu’un morceau de son corps que nous avons enterré», nous raconte-t-il à Green Afia, tenant entre ses mains une photo de la victime happée par un crocodile le 11 février dernier à Kyavinyonge.
Ce cas n’est pas isolé. Depuis décembre 2023, le Syndicat des armateurs, pêcheurs individuels et environnementalistes de Kyavinyonge (SAPIAKYA) affirme avoir enregistré neuf morts dans la seule pêcherie de Kyavinyonge, à la suite des attaques des crocodiles.
«Ces cas d’attaque des crocodiles ont débuté en 2015. Au début, il ne s’agissait que des cas isolés, car on enregistrait qu’un seul cas à l’intervalle de deux ans. Mais depuis 2020, ça devient inquiétant. Par exemple à Vitshumbi, dans le seul mois de février 2023 nous avons enregistré trois morts et des habitants ont même organisé une marche de colère pour exiger plus de protection. Et depuis décembre de l’année passée, nous venons d’enregistrer au moins neuf morts ici (Kyavinyonge, ndlr). C’est trop en deux mois», s’inquiète Muhindo Vyalengekania , représentant du SAPIAKYA.
De la peur au ventre
A Kyavinyonge comme dans la dizaine des pêcheries congolaises situées à la côte ouest du Lac Édouard, c’est la peur qui gagne les habitants. Ces derniers qui n’ont que ce lac pour pêcher, pour se baigner ou pour puiser de l’eau hésitent à le fréquenter de manière isolée.
«Nous avons tellement peur. Nous ne savons plus envoyer nos enfants au lac alors que nous faisons face à une pénurie d’eau potable dans l’agglomération depuis plus d’un mois », s’inquiète Kavira Mali Mamisa, présidente de l’Union des mamans de Kyavinyonge.
D’une trentaine révolue, Augustin, l’un des pêcheurs qui ont aperçu, il y a moins d’une semaine, ce gros reptile se promener à quelques mètres de la plage s’inquiète de leur sécurité sur ce lac qu’il côtoie depuis son enfance.
« Nous avons grandi ici (Kyavinyonge, ndlr) sans connaître les crocodiles. Nous sommes surpris qu’ils soient visibles aujourd’hui dans le lac Edouard. Ils commencent à attaquer les gens. Il y a quelques jours, il a happé l’un de nos pêcheurs qui voulait se baigner à la place. Nous ne savons plus comment nous allons vivre ici à Kyavinyonge », s’inquiète-t-il.
Controverse sur la présence des crocodiles
Selon des pêcheurs locaux, le Lac Edouard ne comptait pas de crocodiles parmi ses ressources halieutiques.
«Nous avons commencé à apercevoir les premiers crocodiles dans les années 80 (1980, ndlr)», affirme le septuagénaire Charles Vagheni, secrétaire de la localité de Kyavinyonge. Certains pêcheurs qui disent avoir travaillé avec des belges ont affirmé que ces reptiles ont été introduits dans les eaux d’Edouard par des conservateurs blancs à l’époque du Maréchal Mobutu.
L’un d’eux a d’ailleurs témoigné avoir vu des blancs jetés des œufs de crocodile dans les eaux d’Ishango.
La Coopérative des pêcheries de Virunga (COOPEVI) qui cogère les pêcheries congolaises au tour du Lac Édouard avec l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) depuis 1948 ne nie pas les affirmations selon lesquelles les crocodiles seraient nouveaux dans le lac Edouard.
La COOPEVI dément plutôt les allégations selon lesquelles ces gros reptiles seront introduits dans les eaux d’Edouard. Emery Kambale Kighoma et Léon Muhindo Kyamundu, respectivement gérants des stations de COOPEVI dans les pêcheries de Kyavinyonge et Lunyasenge indiquent plutôt que ces crocodiles seraient plutôt venus du Lac Albert via la rivière Semuliki.
«Depuis longtemps des crocodiles vivent dans les eaux du lac Albert et de la rivière Semuliki, mais ils ne savaient pas atteindre le lac Edouard car dans la rivière Semuliki il y a une chute qui les empêche de franchir.
Mais selon nos informations, un moment, des crocodiles avaient quitté la rivière Semuliki et avaient rejoint la terre ferme en vue de se ravitailler. Plus tôt que de retourner dans la Semuliki, ils auraient franchi le niveau de la chute et auraient ainsi atteint le lac Edouard », explique Emery Kambale Kighoma.
Du côté de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), Bienvenu Buende, son chargé de communication dans le Parc national des Virunga, auquel appartient le Lac Edouard, affirme que les crocodiles sont vieux dans les eaux d’Edouard.
Il explique que leur présence à la plage côtière fait suite à la carence des poissons, leur nourriture.
«Les crocodiles sont dans le lac depuis des années, les accusations au sujet de leur présence récente sont fausses. Toutefois, nous pensons que la diminution sensible des poissons dans le lac pousse les crocodiles à se rapprocher davantage des rives pour se nourrir. Tout ceci devra évidemment être déterminé par une étude scientifique que nous espérons prochaine», note Bienvenu Buende.
Ce point de vue est partagé par le Chef des Travaux Fabrice Muyisa, Secrétaire Général Académique de l’Institut Supérieur de Technique de Pêche et d’aquaculture de Kyavinyonge.
Il soutient que ce qui se voit aujourd’hui est le résultat de la croissance en nombre et en taille des crocodiles dans le lac Edward.
En plus de la carence des poissons comme le tilapia suite aux mauvaises pratiques de pêche, “plus les crocodiles croissent, plus ils ne sont plus satisfaits ou ne peuvent attraper facilement des petits poissons comme les tilapias. Ainsi, ils s’attaquent aux gros gibiers, comme les animaux du parc qui s’abreuvent au lac régulièrement et les humains isolés.”
Des grilles pour sécuriser les habitants
Face à la carence de plus en plus criante des poissons dans le lac Edouard, Emery Kambale Kighoma craint que les crocodiles puissent chaque fois atteindre les maisons d’habitation loin des rives, si rien n’est fait.
Étant nocturnes, les habitants dont les habitations bordent presque le lac s’interdisent aussi des sorties la nuit. Pour les habitants, la solution passe par l’érection des grilles métalliques dans des plages pouvant servir de barrière pour les crocodiles.
«Nous sommes allés voir le conservateur (du parc, ndlr) qui nous a promis ériger des cages qui peuvent empêcher les crocodiles d’atteindre les gens qui viennent puiser de l’eau. Jusqu’à aujourd’hui rien n’est fait», se plaint Kavira Mali Mamisa.
«Il n’y a que ce lac qui nous fournit de l’eau. Il n’y a que dans ce lac que nous pêchons des poissons pour subvenir à nos besoins. Nous demandons au gouvernement congolais de nous ériger des grilles métalliques comme en Ouganda pour nous permettre de nous approvisionner sans crainte», recommande Augustin.
Une proposition qui est sur la table de l’ICCN. «Nous avons constaté que la plupart des victimes sont des personnes qui s’en donnent à la pêche illicite et souvent dans les zones de frayères. Il y a aussi des incidents impliquant des personnes à la recherche d’eau faisant la lessive au niveau du lac. Pour ces cas, l’ICCN envisage la mise en place des cages métalliques dans les zones assez fréquentées afin de bloquer l’accès des crocodiles à ces zones-là.
Il y a aussi des projets de forages d’eau envisagés dans les pêcheries afin de réduire les mouvements des enfants qui vont vers le lac pour chercher de l’eau», rassure Bienvenue Buende qui déplore les cas et affirme que la question de la multiplication des crocodiles au lac est prise aux sérieux par l’ICCN.
En attendant, l’ICCN demande aux habitants de prendre des précautions, notamment d’éviter la pêche nocturne, d’éviter des endroits dangereux, d’éviter des biefs du lac, de localiser les lieux de concentration des crocodiles».
*Ce reportage a été réalisé par Claude Sengenya de ACTUALITE.CD et Hervé Mukulu de la Voix de l’UCG avec l’appui du Réseau des journalistes scientifiques d’Afrique francophone (RJAF) dans le cadre de la bourse d’enquête de la Conférence mondiale des journalistes scientifiques francophones.*
Depuis qu’il y a rareté des poissons au Lac Édouard, une couche de la population de Kyavinyonge pratique ce dernier temps la pêche illicite sur les eaux du Lac Édouard.
À Kyavinyonge on voit nombreux clandestins qui se font happé chaque fois par les crocodiles au bord du Lac Édouard.
On a estimé à 99% des personnes happés, sont ceux qui font la pêche illicite au bord du Lac Édouard.
Même cas pour les personnes tuées par les Hypopotammes.
Mon conseil serrait d’interdire aux clandestins de VITSHUMBI, KYAVINYONGE et NYAKAKOMA de bien vouloir abandonner la pêche illicite.
Dites aussi aux représentants des comités des Pêcheurs d’éduquer leurs pêcheurs à la pratique d’une pêche normale réglementée.
La rareté des poissons dans les eaux Congolaises du Lac Édouard, la perte des pêcheurs clandestins par les crocodiles ainsi que les nombreux arrestations des pêcheurs congolais dans les eaux ougandaises, sont l’une des conséquences de la destruction volontaire du PNVi et du Lac Édouard par les pêcheurs congolais appuyés malheureusement par certains faux politiciens populistes en quête de l’électorat dans les Pêcheries du Lac Édouard.