La population des hippopotames se stabilise à 1300 individus dans le parc national des Virunga. Un record en comparaison avec les deux dernières décennies, se félicite la direction de cette aire protégée inscrite depuis 1994 à la liste du patrimoine mondial en péril de l’UNESCO. Cette stabilité n’est pas garantie, étant donnée la présence des miliciens armés aux abords des rivières et du lac Edouard servant d’habitat à ces grands mammifères. Sans oublier, la persistance du braconnage pour leur viande et l’ivoire que contiennent leurs dents, la déforestation, la pression des villages de pêcheurs dans le parc. Pourtant, la présence des hippopotames modifie les écosystèmes environnants, les rendant bénéfiques pour les autres espèces, notamment la productivité de la rivière ou du lac, soutiennent des chercheurs.
Par Jonas Kiriko
Ici, dans la pêcherie de Kyavinyonge en province du Nord-Kivu en RDC, plus au nord du lac Edouard, il est de plus en plus régulier de trouver cette petite famille d’hippopotames, d’ une dizaine d’individus.
“Ces hippopotames font partie de notre quotidien depuis maintenant une dizaine d’années”, nous explique charmante, cette femme venue faire la lessive à proximité de cette petite famille d’hippopotames ici au bord du lac.
A bord d’une pirogue, nous apercevons une autre famille non loin de la source de la rivière Semliki, c’est non loin du site touristique d’Ishango servant aussi de base à une unité des gardes parcs.
“Les hippopotames ont tendances à venir à proximité des humains où ils trouvent une assurance de sécurité. Regarde d’où nous venons , ces animaux passent leurs journées non loin du lieu d’accostage à côté des humains. ici,ils sont protégés par les écogardes. C’est la tendance”, essaie de nous expliquer Jackson Mumbere, pêcheur et propriétaire de la pirogue qui nous embarque.
Nostalgique, Stéphane Paluku ne cache pas les souvenirs de son jeune âge à Kyavinyonge, alors qu’il n’était qu’un petit village perdu ici au bord du lac Edouard.
“Je me rappelle que vers les années 70-80, les hippopotames étaient en grand nombre ici. Personne ne pouvait s’hasarder seul aux abords du lac, craignant d’être tué par ces animaux. Les incidents impliquant les hippopotames étaient récurrents. A l’époque nous avions peur des hippopotames, alors qu’aujourd’hui c’est eux qui ont peur de nous”, raconte-il d’un air de regret
Chute de la population d’hippopotames dans les Virunga
Au cours des années 1970, on enregistrait dans le parc national des Virunga le plus grand nombre d’hippopotames en Afrique et singulièrement dans les Grand-Lacs comprenant environ 29 000 individus aux abords du lac Édouard, ainsi que dans les rivières Ishasha, Semuliki, Rwindi et Rutshuru. Leur nombre a depuis diminué de 95% en raison du braconnage, conséquence malheureuse de l’instabilité croissante dans la région, rapporte le site internet du parc national des Virunga. Ainsi plusieurs menaces pèsent sur le parc et sa biodiversité. Selon l’institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), c’est entre autres, l’occupation illégale du parc, notamment sur les rives ouest du lac Edouard et la production illégale de charbon de bois dans les forêts sèches du secteur sud. Sans citer, le braconnage des grands mammifères, notamment l’hippopotame, dans les secteurs centre et nord du parc, ainsi que la Pêche clandestine, la présence des groupes armées et l’envahissement par des creuseurs clandestins des minerais.
Des grandes agglomérations plaque tournante du trafic d’Ivoire
En février, juin et juillet 2021, de cas d’arrestation des trafiquants d’ivoire sont opérés en Butembo l’une de trois principales villes de la province du Nord-Kivu en RDC. Ce grand centre commercial se trouve à proximité du parc national des Virunga dans lequel se trouve également le lac Edouard.
Selon la police, ils étaient en possession d’une trentaine de kilogrammes d’ivoire et ainsi que de deux peaux de léopards. D’après Conserv congo, une organisation environnementale congolaise spécialisée dans la lutte contre le trafic d’espèces sauvages et le braconnage,les personnes arrêtées se préparaient à traverser la frontière pour l’Ouganda, un voisin de l’est de la RDC où ils voulaient vendre leurs marchandises. C’était la troisième arrestation des trafiquants d’espèces sauvages en moins d’une année à Butembo.
A la même période, un commissionnaire trafiquant d’ivoires avait été tué par la population alors qu’il était recherché par l’Institut Congolais de la Conservation de la Nature (ICCN). Il était en possession des pointes d’ivoires.
Un mois plus tard, dans la même ville, l’ICCN en collaboration avec la police ont réussi à arrêter le chef milicien Jackson Muhukambuto. Muhukambuto et sa milice armée active dans les territoires de Lubero et de Rutshuru au Nord-Kivu (RDC) étaient accusés d’avoir tué 19 agents du parc national des Virunga ainsi que de nombreux civils et membres de forces de sécurité lors des différentes opérations de trafic d’espèces sauvages, principalement de l’ivoire.
Ce qui laisse penser que la ville de Butembo, grande agglomération commerciale, se forge une identité en tant que l’une des plaques tournantes du trafic d’espèces sauvages.
Sur la liste des espèces protégées en RDC, l’hippopotame a sa place. Ainsi, la loi congolaise réprime sévèrement le braconnage ainsi que le trafic d’espèces sauvages protégées.C’est ce qu’explique dans la vidéo ci-dessous Valerie Mwali Lumande. Il est procureur de la république près le tribunal de grandes instances de Butembo.
pourquoi c’est nécessaire de mettre fin au braconnage des hippopotames
D’après Neema Nginga du service de tourisme dans la pêcherie de Kyavinyonge, l’hippopotame au bord du lac Edouard fait partie des espèces les plus visitées par les touristes.
“Sur des centaines de visiteurs que nous enregistrons chaque année, nombreux préfèrent visiter les hippopotames, en plus de nos plages qui sont tellement attractives. C’est donc un vecteur important du tourisme du tourisme dans notre entité. C’est est aussi important pour l’économie de notre milieu car le petit commerçant gagnant, les guides touristiques ainsi que nos maisons de passage profitant du tourisme généré par nos hippopotames. je trouve qu’il est nécessaire de les protéger”, conseille-t-elle.
Les hippopotames influencent les chaînes alimentaires d’eau douce et peuvent avoir un impact sur le rendement de la pêche, révèle Deo Kujirakwinja dans sa recherche de 2010 sur le statut des hippopotames dans le parc national de Virunga.
“Même s’il n’ya pas eu d’études sur la contribution des hippopotames à la productivité de la pêche, ils importent des nutriments(urine et excréta) dans les systèmes aquatiques, favorisant la croissance du phytoplancton et améliorant la productivité du système”, soutien-t-il.
Et d’ajouter,
“Les activités de pâturage des hippopotames modifient les écosystèmes environnants ( végétation, lit de rivière et plages), les rendant bénéfiques à d’autres espèces comme les phacochères, le potamochères qui profitent des pelouses créées par le pâturage et plus 14 espèces d’oiseaux qui se nourrissent autour et sur des hippopotames”.
Il faut souligner que l’abondance et la diversité des espèces ci-dessus peuvent varier selon la taille et la répartition des populations d’hippopotames.
Une thèse que soutient Pascal Mbusa Muko, directeur de la coopérative des pêcheries des Virunga (COOPEVI). Selon lui, depuis que ces familles d’hippopotames se reconstituent, il y a un changement positif dans la productivité du lac et cela constitue un bon signe pour l’avenir.
Actions clés pour atténuer le braconnage et le trafic de l’ivoire
Dans un entretien avec harles (nom d’emprunt) ancien braconnier, le manque des projets intégrateurs autour des espèces protégées est l’un de facteurs favorisant le braconnage. “J’ai personnellement tué un hippopotame ainsi que quelques autres animaux de ce parc des Virunga“, confit-il.
Et de poursuivre, “sans emploi, je trouvais inconcevable qu’on m’interdise de faire de la chasse dans le parc seul moyen pour me faire rapidement de l’argent. Aussi, quand les responsable recrute de la main d’oeuvre, ils amènent des gens de Beni, de Butembo , de Goma (grandes villes autour du parc) et d’ailleurs, alors qu’il ne manquent pas à Kyavinyonge des gens incapables de rendre le service pour lequel le parc recrute. Voilà qui motivent nombreux à détruire les espèces sauvages et envahir les aires protégées”, a-t-il justifié.
converti, Charles appelle la communauté à s’approprier la protection du parc et de ses espèces étant donné qu’ils constituent un patrimoine commun.
Pour sa part, le chercheur Deo Kujirakwinja propose plusieurs mesures.”Il faut un programme de conservation intégrée . Ce dernier devrait inclure des projets de développement, des actions éducatives ainsi qu’un régime de partage des revenus”, préconise-t-il.
Enfin, Claude Sengenya, journaliste environnemental basé à Butembo(RDC), appelle le gouvernement congolais et les pays voisins(Ouganda, Rwanda, Sud Soudan) à mettre en place des mécanismes juridiques communs et de surveillance des frontières pour lutter contre le braconnage et le trafic des hippopotames.
Il ajoute qu’il faudrait aussi songer à une révolution technologique en implantant des puces de traçage électronique sur les hippopotames pour permettre aux gardes parc de suivre le mouvement de ces grands mammifères à temps réel.
Par Jonas Kiriko
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