4. Marie claire Muyisa Sikuhimbire, agronome et animatrice du département femme au sein du Syndicat de défense des intérêts des paysans SYDIP siégeant en ville de Butembo, dans la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo.

La femme rurale : cette héroïne qui nourrit les villes, considérée comme une main d’œuvre permanente par son mari et sans cesse sous stress

La femme rurale n’a que besoin de la paix pour pouvoir jouer pleinement son rôle de motrice de la production agricole et par ricochet du développement.  A l’Est de la RD Congo, l’insécurité a élu domicile dans les zones rurales depuis plus d’une décennie, la femme rurale  perds son travail pour sauver sa vie et est victime des toutes sortes des violences. La montée des prix des denrées alimentaires en ville n’est qu’une des conséquences de cette situation.

Rappelons que plus de 60% de la population congolaise est rurale. Cette proportion vit principalement des activités agropastorales.

Marie claire Muyisa Sikuhimbire, agronome et animatrice du département femme au sein du Syndicat de défense des intérêts des paysans SYDIP siégeant en ville de Butembo, dans la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo rapporte la femme rurale est à 80% actrice dans la production agricole de la famille. Néanmoins, elle subit encore des violences de part de son mari qui la traite comme une main d’œuvre permanente.

« L’homme intervient principalement dans la gestion des frais de la récolte. La femme est souvent considérée par son mari comme une main d’œuvre prenante. De la recherche du champ à la vente en passant par les travaux du champ, la femme intervient à 80%. », assure  Marie claire Muyisa s’appuyant sur étude faite par son département.

En effet cette affirmation est aussi limpide que l’eau du rocher quand on séjourne dans un village. Quand il s’agit d’un nouveau champ, l’homme fait les travaux lourds comme abattre les arbres mais toujours aidé par la femme qui coupe les branches pour servir des bois de chauffe ou de support des haricots. Puis il s’occupe du labour. Travail que fait aussi la femme régulièrement. Apres, presque les travaux restants sont laissés à la femme : le semi, les multiples  sarclages et entretiens du champ jusqu’à la récolte. Si c’est une grande production l’homme apparait pour aider la famille à acheminer la production à la maison ou au marché avec un vélo. Très souvent la femme le fait seul. Elle fait plusieurs tours en transportant des gros colis sur le dos. Apres, les frais de la vente sont remis au responsable de la famille, le mari. Il décide de l’affection sans même consulter sa femme. Et une bonne partie de cet argent finit dans l’alcool. Car quand la femme réalise les travaux quotidiens d’entretien du champ, l’homme lui partage un verre avec ses amis. Il s’agit le plus souvent du vin local dit Kasikisi, ou de la liqueur locale dit Mangwende ou importée des pays voisins quoique interdite de consommation.

Des cultures maraichères comme les légumes d’amarantes, des choux, des aubergines, du sombé,… l’homme ne s’en occupe presque jamais. Pourtant puisque qu’elles croissent vites, ce sont elles qui nourrissent les familles au quotidien.

Insécurité et violence

La partie Est de la RD Congo fait face une insécurité chronique depuis les années 1994 avec le génocide du Rwanda qui a déversé plusieurs refugiés au Congo dont une partie étaient armés et qui n’avaient pas été désarmés à la traversée de la frontière. Ce fait a été suivi en 97 par une guerre de libération pour chasser le dictateur Mobutu. Les libérateurs de la rébellion AFDL ont armée plusieurs milices pour une autodéfense locale. Ces milices ses sont multipliés. On parle de plus d’une centaine dans la seule province du Nord- Kivu. Elles contrôlent des régions parfois aussi grandes que certains pays voisins de la RD Congo. Dans la région de Beni, la rébellion ougandaise dite ADF a massacré  environs 3 milles personnes et autant des disparus. Massacres fait par armes blanches (Machettes, couteau, haches, burettes,…). Des incursions sont faites nuitamment dans les villages pour des massacres qui font entre 3 et 50 victimes par massacres. La grande majorité des victimes sont des femmes et des enfants rapporte la société civile locale.

Ainsi, la femme rurale est obligée d’abandonner son travail pour se réfugier en ville et vivre aux dépens de la bonne volonté des membres de la famille élargie qui l’accueille. La femme rurale qui alimente la ville en denrée alimentaire se voit obligé de partager avec ses enfants, le peu de repas d’abord naturellement insuffisant pour la famille d’accueil elle seule. 

Le plus souvent, l’insécurité ne survient qu’à la période de la récolte. Ce qui fait qu’elle perd tout son revenu. Imagez un champ d’un hectare de cacao auquel vous avez consacré toute votre énergie. Et pile au moment où le cacao est assez mure pour la récolte, des miliciens font incursion dans la région, massacrent quelques personnes. Les survivants se déplacent pour la ville. Une semaine ou des mois plus tard, quand il y a une accalmie, les premiers qui reviennent trouvent des champs vides. Le cacao a été récolté.

La fédération des entreprises du Congo, antenne de Beni, demande de mettre en place une traçabilité du cacao avant tout achat par l’Office Congolais du Café et du Cacao  ONAPAC et par les autres exportateurs vers l’Uganda. Malheureusement certains complices sont intouchables. La société civile dénonce une complicité de l’armée. Car « Au lieu de combattre l’ennemie, plusieurs officiers des forces armées congolaises se sont transformés en douanier. Au poste frontalier de Kasindi, ils facilitent la traversée vers l’Ouganda des produits comme le Cacao, le café, les minerais et  les boissons fortement alcoolisés et interdites d’importation,…  »,  dénonce Edgard Mateso, vice-président de la société civile du Nord-Kivu.

Georges K., agent dans une agence en douane  à Kasindi renseigne que les militaires n’interviennent que pour une exportation frauduleuse des produits. Car légalement, ils ne peuvent rien. Mais étant général ou colonel dans l’armée, il a toute la force coercitive pour ordonner que des produits acquis frauduleusement puissent traverser la frontière avec tous les documents légaux. 

Et dans ce cycle infernal, c’est la femme rurale qui perd. Ses efforts sont ainsi volés en complicité des personnes qui sont sensé la protéger.

 Pire, elle est victime de tout genre des violences dont les auteurs sont des hommes en temps de guerre comme en temps de paix.

« Les femmes rurales sont victimes des violences des différentes forces. Par conséquent les femmes rurales développent différentes formes de traumatisme. », se plaint  Marie claire Muyisa.

Taxes

Et même quand elle espère vendre ses produits légalement en ville pour gagner plus, elle n’en a pas les moyens. Etant paysanne, elle produit tout avec sa force physique. Elle ne paie que la semence parfois offerte par les humanitaires. Mais à la récolte quand elle doit acheminer la production vers le centre urbain, elle n’en a pas les moyens. Vue l’état piteux des routes de desserte agricole, le transport coute cher. Et l’Etat ne facile pas les choses. Un camion paie 22 taxes pour acheminer les produits vivriers en ville de Butembo. Pour une distance d’environ 200 km, on débloque 388 000 (plus de 150 dollars)  francs par rotation informe KATEMBO KATSAYI MATSATSA président de la  Coopérative des dépositeurs des produits vivriers en ville de Butembo (CO.DE.PR0.VI.)  qui ont entamé une série des grèves pour dénoncer cette escroquerie.  Quand le combat devient si musclé, la femme rurale se retire et vends ses produits à ville prix aux intermédiaires. Cette coopérative a près d’une cinquantaine des membres avec moins de 5 femmes comme patronnes d’un camion de transport des produits vivriers.

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