Des sédiments solides au fond d’un mini-tank de recueillement de l’eau de pluie. Crédit photo : Hervé Mukulu

Eau de pluie et consommation humaine à Butembo : entre risque sanitaire et solutions pratiques

En l’absence d’un accès généralisé à l’eau potable, de nombreux ménages à Butembo, dans la province du Nord-Kivu, se tournent vers l’eau de pluie comme principale source d’approvisionnement. Pourtant, cette eau, bien que gratuite et abondante en saison pluvieuse, n’est pas directement adaptée à la consommation. Que faire pour la rentre potable ? Eléments de réponse avec l’auditeur en santé publique, département de santé, environnement et développement durable, Docteur Simon Mikombi.

Une ressource à risque

Selon le Dr Simon Mikombi, auditeur en santé publique, département de santé, environnement et développement durable à l’Université Catholique du Graben, « l’eau de pluie est impropre à la consommation dans son état brut ». Elle peut contenir des impuretés, des poussières, des résidus chimiques ou biologiques captés dans l’atmosphère au moment de sa collecte.

« Elle est, au mieux, indiquée pour des usages comme le jardinage, le nettoyage des cours ou des surfaces extérieures. Elle ne devrait pas être utilisée pour la vaisselle, la lessive, encore moins pour l’hygiène corporelle ou l’alimentation, sauf si elle est rigoureusement traitée », ajoute-t-il.

Une situation préoccupante à Butembo

Avec autour de deux millions d’habitants, la ville de Butembo fait face à un accès limité à l’eau potable. La REGIDESO peine à couvrir toute la ville, et dans les quartiers périphériques, les bornes fontaines ne permettent souvent d’obtenir que quelques jerricans d’eau par jour. Face à cette pénurie, beaucoup se tournent vers l’eau de pluie stockée dans des tanks de 1 000 à 5 000 litres. Quelques familles conscientes y ajoutent du chlore, mais ce n’est pas suffisant.

 Pourquoi l’eau de pluie ne devrait pas être consommée sans traitement : l’avis d’un expert

 Dr Simon Mikombi, alerte sur les risques liés à la consommation directe de l’eau de pluie. Selon lui, cette eau, loin d’être pure comme on pourrait le croire, est en réalité un vecteur de nombreuses substances dangereuses pour la santé humaine. C’est un liquide de lessivage atmosphérique.

« L’eau de pluie ne tombe pas purement du ciel. Avant d’atteindre le sol, elle traverse l’atmosphère, agissant comme un agent de lessivage », explique le Dr Mikombi.

Ce processus appelé lessivage humide entraîne la capture de nombreux polluants atmosphériques.

Parmi ceux-ci, on trouve : « Des métaux lourds  comme le plomb, le nickel, l’arsenic… ; des micropolluants organiques semi-volatiles  comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), pesticides comme le DDT, Lindane, etc. ; des composés acides issus de la réaction de l’azote et du soufre avec l’ozone, formant des pluies acides. Etc. »

Des conséquences sanitaires sérieuses

La consommation d’eau de pluie non traitée expose à divers risques. Dr Simon Mikombi cite des maladies respiratoires comme l’asthme, les infections respiratoires, etc., surtout chez les enfants ; des troubles digestifs (diarrhées, indigestions alimentaires …), les cancers du foie, de la vessie, etc. et des maladies de la peau telles que irritations ou allergies cutanées, dues à l’acidité ou aux substances chimiques contenues dans l’eau.

Alors, que faire en cas d’absence d’alternative ?

« Si l’on n’a pas d’autre choix que d’utiliser l’eau de pluie, elle ne doit jamais être consommée brute », insiste le Dr Mikombi. Il recommande un traitement rigoureux comprenant :

1. Filtration,

2. Décantation,

3. Chloration (ou traitement chimique) ou ébullition prolongée,

5. Stockage hygiénique.

Alors que de nombreuses familles, faute de mieux, se contentent de décanter l’eau de pluie et d’y ajouter un peu de chlore avant de la consommer, le Dr Simon Mikombi met en garde : cette méthode est insuffisante pour garantir la potabilité de l’eau.

« L’eau de pluie contient des micropolluants, des métaux lourds et des agents pathogènes. Pour la rendre propre à la consommation, il faut un processus de filtration multi-couches », explique l’auditeur. Voici les étapes recommandées :

1. Première couche : les cailloux 

   Une couche de 20 à 30 cm de cailloux stabilisés appelée aussi couche à l’aide d’une moustiquaire. Elle permet de stabiliser le lit filtrant  pour retenir les plus grosses particules.

2. Deuxième couche : gravier grossier (10 à 20 cm) 

   Sert au drainage initial de l’eau.

3. Troisième couche : gravier fin 

   Retient les particules plus grandes.

4. Quatrième couche : sable fin (25 à 35 cm) 

   Joue un rôle essentiel dans la filtration des micro-particules.

5. Cinquième couche : charbon actif (10 à 20 cm)

Le rôle crucial du charbon actif dans la purification

Le charbon utilisé dans ce système de filtration doit être broyé jusqu’à devenir une fine poussière. Il constitue la dernière couche du dispositif, placée à la base du filtre. C’est cette couche qui joue le rôle principal  d’absorption des polluants chimiques, biologiques et sert à éliminer les différentes odeurs de cette eau.

Pas besoin de grands moyens, mais de méthode

Faut-il des installations coûteuses pour réaliser ce système ? Pas nécessairement. Ce qu’il faut, c’est une bonne conception et un courant d’eau suffisamment fort pour forcer l’eau à traverser toutes les couches du filtre. C’est ce passage obligé qui garantit une filtration efficace.

Avec un ingénieur ou un technicien qualifié, on peut installer un mini-tank de filtration à domicile, intégrant toutes les couches nécessaires, et ainsi produire une eau plus propre, plus sûre pour un usage domestique.

Hervé Mukulu   

One Reply to “Eau de pluie et consommation humaine à Butembo : entre risque sanitaire et solutions pratiques”

  1. Merci pour pour le partage de cette connaissance.
    Cela nous donne une autre attitude à prendre.
    Félicitations également à Dr Simon.

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