Finance verte en RDC : promesse historique ou nouveau mirage ?

Finance verte · RDC

RDC : la finance verte entre en scène

Kinshasa — 31 octobre 2025
Signature d’un protocole de partenariat entre le Fonds d’Intervention pour l’Environnement (FIPE) et la banque Equity-BCDC, en présence de la ministre de l’Environnement, Développement durable et Nouvelle Économie du Climat, Marie Nyange Ndambo.
Vers une finance “gagnant-gagnant” entre argent et environnement. Sources : Actualite.cd

Derrière la photo officielle, l’enjeu est immense : on tente, ni plus ni moins, d’industrialiser le financement de l’environnement en RDC. Le partenariat FIPE–Equity-BCDC annonce l’appui à des projets verts dans l’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique, l’agriculture intelligente face au climat, l’accès à l’eau potable, l’inclusion financière des producteurs et la santé environnementale. Actualite.cd

Dit autrement : l’environnement congolais quitte peut-être le registre du discours politique pour entrer dans celui des lignes de crédit bancaires.

Le FIPE, sur papier, c’est “la banque verte de l’État”

Le FIPE n’est pas une ONG. C’est un établissement public créé par le décret n° 20/031 du 31 octobre 2020, chargé de mobiliser des ressources financières environnementales (taxes, redevances minières, contributions climat, subventions des bailleurs) et de les diriger vers des projets de protection de l’écosystème, de développement durable et d’écologie. medd.gouv.cd

Le FIPE peut financer :
  • la protection des forêts et de la biodiversité ;
  • la lutte contre la pollution et l’assainissement urbain ;
  • la réhabilitation de sites dégradés ;
  • la recherche scientifique environnementale ;
  • des PME privées via des prêts rémunérés si leur impact est positif pour l’environnement. droitcongolais.info

Sur le papier, le FIPE est l’outil national pour transformer l’argent public (et para-public) en actions environnementales concrètes, y compris au profit des communautés locales et des peuples autochtones — pas seulement l’administration centrale. droitcongolais.info

Mais, au 1er novembre 2025, plusieurs zones d’ombre persistent :

  • Aucun inventaire public, province par province, des projets financés (montants, bénéficiaires, niveau d’exécution) ;
  • Pas de tableau de bord accessible listant l’argent investi (par exemple pour la reforestation) et l’impact réel sur le carbone.
La nouvelle direction du FIPE, installée en août 2025, promet un FIPE « sans corruption » et à impact visible. (source : RTNC)

Traduction claire : le FIPE existe depuis 2020. Il a un mandat et des ressources. Maintenant il doit convaincre qu’il livre des résultats vérifiables au sol.

C’est précisément là qu’entre Equity-BCDC.

Pourquoi Equity-BCDC entre dans l’histoire

Equity-BCDC est une banque commerciale. Elle gère des flux, mesure le risque, prête à des clients, et doit rendre des comptes. En RDC, elle s’est déjà positionnée sur des secteurs critiques : agriculture mécanisée, énergie, infrastructures. Elle a aussi participé en 2024 à une syndication bancaire de plusieurs centaines de millions de dollars pour refinancer des arriérés de subventions des carburants de l’État congolais : elle sait mobiliser vite des montants lourds. equitygroupholdings.com

Message politique envoyé le 31 octobre 2025 :
  • Traçabilité bancaire : les fonds du FIPE passent (au moins en partie) par une banque commerciale, avec historique des paiements et audit possible. Actualite.cd
  • Inclusion financière : Equity-BCDC sait travailler avec des PME, coopératives, structures locales. Elle sait parler aux petits porteurs, pas seulement aux ministères. Actualite.cd
  • Accélération : la banque promet que « nos services se mettront rapidement au travail » pour accompagner l’environnement. versvert-infos.com
Jusqu’ici, l’environnement en RDC était financé comme un secteur « à subvention ». L’accord FIPE–Equity-BCDC essaie de le traiter comme un secteur « à investissement ».

Est-ce qu’on connaît les montants du deal ?

Point critique : non, pas encore.

Au moment de la signature (31 octobre 2025), aucun chiffre officiel n’a été rendu public sur l’enveloppe de départ : ni en dollars US, ni en francs congolais, ni en calendrier de décaissement. On parle d’un partenariat stratégique de trois ans, d’un « cadre de collaboration », mais pas d’un montant annoncé. Actualite.cd · versvert-infos.com

C’est à la fois normal… et préoccupant :

  • Normal, parce qu’on est encore au stade MoU (protocole d’entente) : on fixe le cadre, les responsabilités, puis viennent les lignes de crédit projet par projet.
  • Préoccupant, parce que la RDC a déjà vu des annonces “historiques” mourir faute de budget réel ou d’atterrissage provincial.

Donc oui : au 1er novembre 2025, on connaît les secteurs (énergie solaire, agriculture climat-intelligente, eau potable, déchets, santé environnementale), mais pas encore les montants ni la ventilation par province, y compris le Nord-Kivu. Actualite.cd · versvert-infos.com

« Vous nous promettez une finance verte. Donnez-nous les chiffres, les projets pilotes, les provinces ciblées et les indicateurs d’impact. Sinon, c’est du marketing vert. »
— Angle d’enquête proposé par Green Afia

À quoi pourraient ressembler ces projets (et combien ça coûte)

Basé sur les barèmes budgétaires déjà utilisés en RDC par des programmes comme FONAREDD/CAFI, FIDA, PNUD, Banque mondiale ou le Fonds vert pour le Climat, voici des ordres de grandeur crédibles pour 5 chantiers prioritaires :

1. « Forêts vivantes » – Reboisement communautaire

Restauration des forêts dégradées, agroforesterie (arbres + cultures vivrières), carbone capté, revenus locaux.

Scénario national : 10 000 ha restaurés dans ~15 provinces ≈ 45 M USD (≈4 500 USD/ha sur 3 ans, encadrement inclus).

Nord-Kivu pilote : 1 000 ha ≈ 4,5 M USD.

2. « Éco-Ville Butembo » – Déchets & recyclage urbain

Centres de tri/compostage, collecte sélective plastique–organiques, emplois verts.

National (10 villes) :25 M USD (~2,5 M USD par ville).

Butembo ou Beni :2,5 M USD et ~300 emplois directs/indirects.

3. « Eau verte » – Sources protégées & eau potable rurale

Reboiser les bassins versants, sécuriser les captages, installer des bornes-fontaines publiques : impact immédiat sur la santé environnementale.

National (12 provinces rurales) :30 M USD (~2,5 M USD/province).

Nord-Kivu (3 zones de santé) :3,5 M USD pour ±150 sources protégées et ±50 bornes-fontaines. Actualite.cd

4. « Agri-Climat » – Agriculture intelligente face au climat

Semences résilientes, compost, irrigation solaire, stations météo locales, formation à l’agroécologie.

National (10 000 producteurs) :40 M USD (~4 000 USD/producteur sur 3 ans).

Nord-Kivu (1 500 producteurs) :6 M USD.

5. « Énergie pour tous » – Mini-réseaux solaires ruraux

Mini-réseaux solaires (20 à 200 kW) pour électrifier des villages isolés, réduire le diesel, soutenir l’activité économique locale.

National (100 mini-réseaux) :60 M USD (~600 000 USD/site équipement + installation + maintenance initiale).

Nord-Kivu (10 villages prioritaires) :6 M USD.

Scénario national
≈ 200 M USD
Budget total estimé sur ~3 ans si on déploie reboisement, eau potable, déchets, agroécologie et mini-réseaux solaires à l’échelle du pays.
Pilote Nord-Kivu
≈ 22-23 M USD
Reboiser 1 000 ha, lancer une filière déchets, sécuriser l’eau potable, soutenir 1 500 producteurs, électrifier 10 villages.
Accès à l’eau
150 sources protégées
~3,5 M USD pour 3 zones de santé rurales : eau potable = santé environnementale.

Ce niveau d’investissement est précisément le type de paquet que FIPE + Equity-BCDC pourraient annoncer de façon crédible. equitygroupholdings.com

Où se jouera la crédibilité du duo ?

  • La preuve chiffrée
    Publier un plan financier : enveloppe sur trois ans, ticket moyen par projet, provinces ciblées. Question clé : « Combien pour l’Est, dont le Nord-Kivu ? »
  • La preuve territoriale
    L’environnement se dégrade localement (érosion, inondations, déforestation, pollution des rivières). On attend des projets pilotes par province avec responsables identifiés sur place.
  • La preuve d’impact
    Hectares restaurés, ménages raccordés à l’eau potable, villages électrifiés en solaire, emplois verts créés dans la gestion des déchets. versvert-infos.com

Si ces trois preuves apparaissent publiquement, alors ce partenariat ne sera pas qu’une image de signature. Il deviendra un précédent majeur pour la finance verte africaine : un fonds environnemental public adossé à une banque commerciale locale.

Si elles n’apparaissent pas, on restera dans la promesse.

En résumé pour le lecteur Green Afia

• Le FIPE est l’outil public congolais créé en 2020 pour financer l’environnement, avec la capacité théorique de soutenir l’État, le privé et les communautés locales. medd.gouv.cd

• Equity-BCDC apporte la rigueur bancaire : traçabilité, rapidité d’exécution, accès aux PME/coops rurales. Actualite.cd

• Les priorités annoncées : énergie propre, eau potable, agriculture résiliente au climat, gestion des déchets, santé environnementale. Actualite.cd

• Aucun montant officiel n’a été publié au 31 octobre 2025 pour ce partenariat FIPE–Equity-BCDC, ni sa ventilation provinciale. Actualite.cd · versvert-infos.com

• Les ordres de grandeur réalistes (basés sur les coûts observés en RDC dans des programmes CAFI/FONAREDD, PNUD, FIDA, Banque mondiale) : ~20-25 M USD pour un pilote type Nord-Kivu sur 3 ans ; ~200 M USD pour une mise à l’échelle nationale. equitygroupholdings.com

Prochaine étape : publier les chiffres, publier les projets, publier les résultats.

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