Nord-Kivu : difficile accès au dépistage du cancer du sein, les femmes rurales se tournent vers les tradi-praticiens
Par Jackson Sivulyamwenge — Édité par GreenAfia
Dans les zones rurales du territoire de Beni, l’absence d’équipements de dépistage et de laboratoires d’anatomie pathologique pousse des femmes à traverser la frontière vers l’Ouganda — ou à consulter des tradi-praticiens. En plein Octobre Rose, médecins et organisations féminines appellent à créer des laboratoires régionaux et à renforcer la formation de première ligne.
Une réalité préoccupante dans les zones rurales de Beni
Face à l’absence de dispositifs de dépistage du cancer du sein, de nombreuses femmes vivant en milieux ruraux — notamment dans les zones de santé du territoire de Beni — se tournent soit vers l’Ouganda, soit vers les tradi-praticiens. Médecins et organisations féminines recommandent la création de laboratoires régionaux de diagnostic histopathologique et de circuits clairs de référence.
« Dire qu’il existe un laboratoire approprié en zone rurale est faux. Les prélèvements sont souvent envoyés vers les villes. Certaines femmes sont référées aux Cliniques universitaires de l’UCG, à Bukavu ou même en Ouganda pour échographie ou mammographie. »
À Mutwanga, l’espoir passe par la frontière… ou la médecine traditionnelle
Shamubinti Rachid, coordinatrice de l’ONG Femmes Solutions pour le Changement (FSC) à Kasindi, alerte : « Nous n’avons pas les dispositifs nécessaires. Les femmes qui en ont les moyens vont en Ouganda ; les autres, issues de familles indigentes, se tournent vers des tradi-praticiens. » L’ONG plaide pour des centres de dépistage de proximité et un appui public soutenu.
Former la première ligne : autopalpation et examen clinique
Le dépistage précoce s’appuie sur la sensibilisation à l’autopalpation et sur l’examen clinique des seins (ECS) en soins primaires. Le Dr Bailanda rappelle : « L’autopalpation n’est pas un diagnostic, mais une alerte précoce. » Beaucoup d’agents de santé n’ont pas reçu de formation standardisée pour enseigner ces gestes et orienter rapidement les cas suspects.
Ce que disent les études en Afrique
- Dépistage encore bas : méta-analyses multi-pays estiment la prévalence du dépistage (ECS/mammographie) autour de 11–14 %, avec fortes variations (≈ 5 % Tanzanie à ≈ 25 % Burkina Faso/Namibie). Déterminants : niveau d’études, exposition médiatique, contact récent avec un service de santé ; freins : ruralité et précarité. [PLOS ONE 2024]
- Effets des programmes pilotes : sensibilisation communautaire, ECS organisé et mammographie ciblée améliorent la détection précoce, mais demeurent ponctuels et peu suivis par des indicateurs harmonisés. [Revue systématique PMC 2022]
RDC : charge élevée et détection tardive
- GLOBOCAN 2022 : 7 385 nouveaux cas de cancer du sein chez la femme et 4 254 décès ; prévalence à 5 ans ≈ 15 170 cas.
- Kinshasa : étude rétrospective sur 1 738 mammographies (2012–2015) : 7,2 % de lésions suspectes chez les femmes dépistées, plaidant pour intégrer la mammographie au dépistage de routine.
- Connaissances/pratiques : travaux locaux signalent des lacunes chez les femmes (signes d’alerte, facteurs de risque) et chez des professionnels (détection précoce), d’où le besoin de formations continues.
Défis structurels persistants
- Accès inégal aux mammographes/échographes, maintenance et consommables non garantis ; retards diagnostiques fréquents → mortalité élevée.
- Couverture limitée de dépistage organisé ; financements irréguliers ; chaînes de référence incomplètes ; données épidémiologiques fragiles (peu de registres).
Perspectives & recommandations (alignées OMS-GBCI)
- Former systématiquement la première ligne (ECS, signes d’alarme) ; intégrer une check-list sein en SR/Maternité.
- Parcours “suspicion → imagerie → biopsie → traitement” avec délais cibles : ≤ 60 jours.
- Hubs d’imagerie : concentrer les mammographes où la maintenance est garantie ; utiliser l’échographie en périphérie.
- Sensibilisation continue via radios communautaires, SMS, pairs éducatrices — au-delà d’Octobre Rose.
- Renforcer les données : mini-registres provinciaux et tableau de bord GBCI (stade au diagnostic, délais, abandon).
| Indicateur | Afrique subsaharienne | RDC |
|---|---|---|
| Taux moyen de dépistage | 11–14 % | ≈ 7 % (estimation contexte) |
| Nouveaux cas annuels (2022) | ≈ 180 000 | 7 385 |
| Décès annuels (2022) | ≈ 100 000+ | 4 254 |
| Détection précoce (< stade II) | < 25 % | ≈ 18 % |
Un message d’espoir pour Octobre Rose
« Nous devons briser le tabou, rapprocher le dépistage des femmes rurales et garantir un diagnostic en ≤ 60 jours », plaident Shamubinti Rachid (FSC) et le Dr Pascal Bailanda. Le cancer du sein n’est pas une fatalité : détecté tôt, il se soigne.
Sources & lectures
- PLOS ONE (2024) – Meta-analysis of Breast Cancer Screening in Sub-Saharan Africa (prévalence 11–14 %).
- PMC / Systematic review (2022) – Interventions de dépistage en ASS : effets et limites d’implémentation.
- GLOBOCAN 2022 – RDC – Estimations incidence/mortalité : gco.iarc.who.int.
- WAOCP (2023) – Étude rétrospective sur la mammographie à Kinshasa (1 738 examens, 7,2 % lésions suspectes).
- OMS – Global Breast Cancer Initiative (2021–2025) – Objectifs : –2,5 %/an mortalité, parcours ≤ 60 jours.
- ICCP Portal (RDC, 2015) – Stratégie nationale : cancers du col et du sein.
NB : certaines références sont en accès libre via PubMed Central (PMC) ; ajouter les DOI/URL spécifiques si disponibles dans votre base documentaire.

