
RDC : les dessous du nouvel accord minier qui redessine la géopolitique du Congo
Sous couvert de « paix », une intégration régionale organise la mainmise sur les minerais congolais – au prix d’un coût humain, écologique et économique considérable.
Après trois décennies de guerres meurtrières dans l’Est, un accord signé en juin 2025 entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, facilité par Washington, promettait l’accalmie. Mais les termes et le calendrier de ce texte, tels qu’analysés par l’Oakland Institute, révèlent surtout une accélération du contrôle des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques au départ du Congo et au profit d’intérêts étrangers.
Intégration régionale : coopération ou captation ?
Le 1er août 2025, une « Déclaration de principes » inaugure un cadre d’intégration économique régionale entre la RDC et le Rwanda. Le texte prévoit d’« éliminer progressivement les obstacles » à l’exportation directe et légale de l’étain, du tantale, du tungstène, du niobium, de l’or et d’autres minéraux, tout en créant des zones économiques spéciales transfrontalières et en associant des investisseurs américains.
Dans les faits, les minerais extraits en RDC sont appelés à être raffinés et commercialisés depuis le Rwanda, ce qui légitime un contrôle de fait déjà exercé sur les ressources congolaises.
« Nous obtenons, pour les États-Unis, une grande partie des droits miniers du Congo » — Donald Trump, juin 2025.
Le pilotage côté Kigali est confié à James Kabarebe, ministre d’État chargé de l’intégration régionale, sanctionné en 2025 par le Trésor américain pour son rôle dans le soutien au M23 et la coordination d’exportations de minerais extraits en RDC.
Ce que disent les chiffres
+500 %
La valeur des exportations minières du Rwanda a bondi de 373 M$ (2017) à 1,75 Md$ (2024). L’or représente environ 1,5 Md$ en 2024.
≈ 1 Md$ / an
Pertes fiscales estimées pour la RDC du fait des contrebandes et circuits de blanchiment via le Rwanda.
2 000 t vs 878 t
Volumes de tantale exportés vers les États-Unis (2013–2022) : Rwanda 2 000 t (135 M$) contre RDC 878 t (53,6 M$).
3,5 Md$
Valeur des exportations d’or de l’Ouganda en 2024, dont une part substantielle serait issue de la RDC.
Sur le terrain : le M23, la guerre et la reconquête des mines
En avril 2024, les rebelles du M23 ont pris le contrôle des mines de Rubaya (Masisi), parmi les plus grands gisements de coltan au monde, transformant ces sites en source majeure de financement de l’effort de guerre.
Les conséquences humaines restent dramatiques : en juillet 2025 seulement, 319 civils ont été tués dans l’Est, d’après le HCDH et Human Rights Watch.
Les États-Unis, de « pompiers-pyromanes » à architectes des chaînes d’approvisionnement
Washington annonce en août 2025 près d’1 Md$ pour soutenir les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques, pendant que la DFC appuie le corridor de Lobito pour acheminer le cuivre et le cobalt du Katanga vers l’Atlantique — un contre-poids aux routes dominées par la Chine.
Au-delà des minerais : forêts, rivières et communautés sous pression
La logique d’extraction s’étend au bois et à l’or via les pays voisins : l’Ouganda est cité comme destination majeure du bois extrait illégalement de l’Est de la RDC, tandis que l’or congolais alimente ses chiffres d’exportation.
Conclusion : une paix conditionnée aux ressources
Le Congo demeure un champ de bataille économique. Les armes ont changé de forme : moins de kalachnikovs, davantage de contrats. Tant que la souveraineté sur les ressources ne sera pas garantie, la paix restera une promesse fragile.
Crédits & sources
- Oakland Institute (2025), FLOUÉS ! La ruée vers les minéraux critiques en RDC — version française (extraits cités et chiffrés dans l’article).
- USGS — Mineral Yearbook: Niobium & Tantalum, données 2013–2022.
- HCDH / Human Rights Watch — rapports 2025 sur les violences dans l’Est de la RDC.
- Reuters — annonces 2025 sur les fonds américains pour les minéraux critiques.

