
Butembo sous les eaux : le Professeur Muhindo Sahani alerte sur les dérives d’une urbanisation à haut risque
Butembo sous les eaux : le Professeur Muhindo Sahani alerte sur les dérives d’une urbanisation à haut risque
BUTEMBO (Nord-Kivu) — À chaque nouvelle pluie, Butembo s’enfonce un peu plus dans la crise. Routes dévastées, maisons emportées, ponts effondrés… Le tableau devient récurrent. Le Professeur Muhindo Sahani, expert en gestion des risques naturels, tire la sonnette d’alarme : « Les désastres de Butembo traduisent moins un dérèglement climatique qu’une urbanisation anarchique devenue une bombe à retardement écologique. »
1️⃣ Une pluie exceptionnelle, mais des dégâts prévisibles
Les précipitations récentes n’ont rien d’un simple épisode pluvieux. « La lame d’eau tombée sur plusieurs jours a largement dépassé la capacité naturelle d’absorption des sols », explique le Professeur Sahani.
Trois catégories de facteurs expliquent l’ampleur des dégâts :
- Climatiques : pluies prolongées et intenses, typiques du climat équatorial humide.
- Géologiques et pédologiques : sols argileux, terrains pentus, ruissellement accentué.
- Anthropiques : urbanisation désordonnée, routes et constructions perturbant la connectivité naturelle des bassins versants.
Résultat : ruissellement incontrôlé, érosion accélérée, glissements de terrain dans plusieurs quartiers périphériques.
2️⃣ Urbanisation anarchique : la cause structurelle du désastre
« Nous avons divisé les terrains de 25 mètres sur 25 sans plan d’ensemble », déplore le chercheur.
Ce morcellement détruit la cohésion du sol, favorise les écoulements violents et sature les caniveaux. L’imperméabilisation des surfaces par le béton empêche l’infiltration, accumule l’eau et inonde les zones basses.
« Ce n’est plus la pluie qui cause les dégâts, mais notre manière d’occuper le sol », résume-t-il.
3️⃣ Quand la vulnérabilité humaine rencontre le risque naturel
Les ménages les plus modestes sont les premiers touchés : installés sur des terrains instables et non viabilisés, ils subissent directement les glissements, les éboulements et les inondations.
« Chaque glissement de terrain symbolise l’échec d’une planification urbaine qui ignore les cartes de risques », analyse Sahani.
4️⃣ Gérer l’eau à la source : une stratégie de résilience
Pour inverser la tendance, le professeur propose une gestion intégrée de l’eau :
- Récupérer et réutiliser les eaux pluviales via citernes et bassins ;
- Créer des zones tampons végétalisées pour ralentir le ruissellement ;
- Restaurer les berges et bassins versants ;
- Intégrer les données géologiques dans les plans d’urbanisme.
« Nous devons apprendre à cohabiter avec l’eau, pas à la chasser », insiste-t-il.
5️⃣ Responsabilité collective et appel à l’action
Les solutions exigent une synergie entre scientifiques, urbanistes, autorités et citoyens.
« Sans volonté politique, la vulnérabilité urbaine restera une fatalité », avertit le professeur.
📘 Focus scientifique La thèse de Muhindo Sahani sur le climat de Butembo
Période : 1957 – 2010
Sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Liège (2011) repose sur plus d’un demi-siècle de mesures climatiques locales. Les résultats contredisent l’idée d’un effondrement climatique soudain à Butembo : ils pointent plutôt la responsabilité humaine dans la façon d’occuper le territoire.
| Période étudiée | Tendances observées | Interprétation |
|---|---|---|
| 1957 – 2010 | Pluviométrie stable (≈ 1 380 mm/an) | Aucun changement climatique mesurable |
| Nombre de jours de pluie | Légère baisse (-1,9 % / décennie) | Variabilité naturelle |
| Événements extrêmes | Récurrence normale (6 à 30 ans) | Stabilité du régime tropical humide |
| Facteur aggravant | Urbanisation désordonnée | Cause principale des risques hydrologiques |
« Les pluies sont normales pour Butembo. C’est l’urbanisation qui en amplifie les effets », conclut le chercheur.
Ainsi, les dégâts hydrologiques traduisent une crise de gouvernance urbaine plus qu’un bouleversement climatique.
6️⃣ Une spécialisation au service de la communauté
Le Professeur Sahani, formé à l’Université de Liège en géorisques et climatorisques, enseigne aujourd’hui à l’Université Catholique du Graben (UCG) et à l’Université de Kisangani.
Il dirige également le Laboratoire d’Écologie, de Géomorphologie et de Géomatique (L.E.G.G.), incubateur de plusieurs thèses remarquées, et fonde Génie Conseil, entreprise d’aménagement du territoire et de gestion des risques naturels.
7️⃣ Sensibiliser pour prévenir
Convaincu que la résilience commence par l’éducation, il veut « aller de quartier en quartier » pour former la population.
« Le risque est le produit de l’aléa et de la vulnérabilité. Même un petit aléa devient dangereux si la population est très vulnérable. »
8️⃣ Message final : agir avant qu’il ne soit trop tard
« Chaque goutte de pluie est une leçon : soit nous l’apprenons ensemble, soit elle nous submerge. »
Le professeur remercie la Voix de l’UCG et les médias locaux pour avoir relayé cet appel à la conscience écologique. Il réaffirme sa disponibilité à accompagner les autorités dans la création d’un observatoire de la santé publique et de l’environnement.




