«Tout est réalisé grâce au café ; depuis qu’il est redevenu rentable, la vie a complètement changé », se réjouissent les membres de la COOPADE
Le café, cet or vert introduit en RDC au 19e siècle, a fait la pluie et le beau temps dans les années 1960 aussi bien dans le Kivu que dans la partie orientale où elle a été expérimentée avec succès. Sa qualité aux saveurs tropicales était appréciée à travers le monde. Puis tout a sombré dans le noir à la fin des années 1980. Les champs ont été presque abandonnés. Ils sont devenus des fruits sauvages à récolter saisonnièrement dans le village sans trop attendre d’eux car moins rentables. Las de la fraude et de ce manque d’intérêt, les coopératives se formalisent et le nouvel âge du café reprend vers 2010. La COOPADE, née en 2014, est l’une de ces coopératives qui ont su rendre le bonheur, la prospérité et la joie aux caféiculteurs de Beni et Lubero dans le Nord-Kivu. C’est une succès story d’une coopérative que nous rapporte Hervé Mukulu


La Coopérative Paysanne de Développement (COOPADE) œuvre dans la production du café dans la zone de Bashu en territoire de Beni et en territoire de Lubero. Elle a été créée en 2014 avec l’avènement du traité des coopératives. Et c’est, dans le but de relancer le marché du café dans la zone. Le Kivu et l’Ituri ont été les premières régions expérimentales de l’introduction du Café au Congo-Belge vers les années 1920. Sa qualité appréciée dans le monde a eu du succès vers les années 1960. La fameuse époque dite ‘mulo wa kawa’ (à l’époque du café en français) qui va jusqu’aux années 80, à laquelle les personnes du 3e âge font référence en racontant leur moment de prospérité financière grâce à l’exportation du café.
Chez nous, le café c’est notre vie depuis nos parents. Les blancs nous ont amené la culture du café et nos parents sont grandis en l’ayant adopté ainsi, explique Joseph Mateso Mirembe Bule , 42 ans , agriculteur de Burusi, dans le territoire de Beni.
En 1960, nos parents ont même eu une coopérative qu’ils appelaient « komborotive », ne sachant comment prononcer le mot coopérative, se remémore-t-il de cette anecdote racontée de père à fils avec sourire.
Et puis après le départ des blancs avec l’indépendance et consort, le café a perdu sa valeur. « Soucieux de vivre de la seule culture rentable qu’ils ont apprise, nos parents eux aussi nous ont appris à exporter le café, souvent de manière frauduleuse. Le kg de café, nous le vendions à 0,2 dollars en Uganda. Ça ne valait plus la peine de tous ces efforts. Nous avons abandonné cette culture“, se désole Joseph Mateso.
C’est nous qui proposions notre café aux Ougandais. Ils le prenaient au prix qu’ils veulent, ajoute-t-il pour donner sa compréhension de ce prix insignifiant.



Des études sur la relance de la culture pérenne dans la zone du Kivu ont été menées en 2012, par Jean Chrysostome Vahamwiti, alors ministre de l’agriculture et du développement rural de la RDC.
Cette étude fait le constat que les champs des cafés étaient encore dans la zone, puis débouchent à la sensibilisation des producteurs sur le fait qu’ils ne peuvent trouver un bon marché pour le café en tant qu’individu et surtout s’il n’est pas bien entretenu.
« Il faut se regrouper en coopérative afin de plaider comme groupe pour chercher les clients. Ainsi l’idée de la coopérative COOPADE est née en 2013 et le ministre nous a accordé l’arrêté le 14 juillet 2014 », explique Ghislain Kasereka Vakatsuraki, superviseur de la Coopérative Paysanne de Développement COOPADE. Aujourd’hui, cette coopérative compte 4 mille agriculteurs membres qui ont comme culture principale, le café.
En effet, dans les discussions avec les potentiels preneurs du café, les acheteurs donnent les prenables sur la qualité du café dont ils ont besoin. C’est pourquoi les producteurs, ont été rassemblés autour de MSL, Micro Station de Lavage. Ce sont des espaces où tous les dispositifs pour bien traiter le café fraîchement cueilli des champs.
« Car le café que nous avons produit dans de bonnes conditions, il faut le traiter dans de bonnes conditions. » Ce qui nous permet d’avoir des cafés full washed, café lavé et qui conservent la qualité du champ jusque dans la tasse », explique fièrement Ghislain Kasereka Vakatsuraki.
Le PASA NK, ce programme salvateur pour les coopératives
C’est avec l’appui financier et technique du Programme d’Appui au Secteur Agricole au Nord-Kivu, PASA NK que 21 MSL(Micro Station de Lavage) ont été créées ou équipées pour les membres de la COOPADE.

Un partenariat qui date de 2018 et qui reste en cours. Il est arrivé au bon moment. Comme le dit un adage de chez nous, “le début est toujours difficile. » Nous avions des MSL qui n’avaient même pas une machine de pulpeuses ou qui en avaient une fabriquée localement avec ses défauts. A l’arrivée de PASA NK, il comprit le problème et se l’est approprié. Il nous apporte aujourd’hui des machines de pulpeuses de qualité », rassure le chargé de suivi de la COOPADE.
Avant PASA, les de pulpeuses étaient de l’artisanat. . Il fallait regarder sur Youtube à quoi ressemble cette machine et trouver ici localement un atelier de métallurgie qui peut l’imiter pour en fabriquer.
Naturellement, elles n’étaient pas assez efficaces. C’était délicat. « Ces machines locales arrivaient à déchirer la cerise. » Ce qui perdait la qualité du café. », se remémore-t-il de ces machines qu’il vit. Il fut engagé dans cette coopérative en 2018.
Plus encore, avant, les cultivateurs étaient obligés de le sécher avant de le vendre. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ils vendent des cerises en déposant leur café à la micro-station.
A la micro-station de lavage, le café est mis dans un bassin d’eau pour la flottaison, puis il conduit dans la salle des machines pour être dépulpé. Il est ensuite remis dans l’eau pour un lavage et enfin il est étalé au soleil pour deux semaines de séchage ou plus. Tout dépend du soleil.
« Moi, je suis payé dès que le café arrive à la micro-station, puis le reste sera fait quand moi j’aurai déjà mon argent, alors que avant il fallait que je sèche avant d’aller vendre mon café », explique Joseph Mateso Mirembe Bule
Et la différence est grande entre notre traitement et celui de la micro-station pour conserver le bon goût du café. Aujourd’hui, j’ai déjà pris même du goût à prendre le café. Car avant, nous l’acheminions en Ouganda sans savoir son utilité, ajoute-t-il.
Mais aussi la logistique a changé. Avant, le café était porté au dos faute des routes ou à vélo pour les mieux nantis jusque dans le marché, comme à Kyavinyonge ou en ville de Beni. C’est de là qu’il sera acheminé frauduleusement vers l’Ouganda. Aujourd’hui, la logistique est de loin meilleure. Et cela paie mieux. Ce qui fait que le travail paraît petit même s’il est exigeant. .
Un autre problème, c’était l’accompagnement du caféiculteur sur les bonnes pratiques agricoles. Le PASA a mis à la disposition des coopératives les agronomes de l’Office Nationale des produits Agricoles du Congo, ONAPAC, pour accompagner les agriculteurs.
« Ils nous apprennent à tailler le café, à associer l’élevage des chèvres, cobayes, lapins, porcs et autres animaux d’élevage à domicile dont les excréments constituent le compost que l’on met au pied de nos cafés. À rendre les mauvaises herbes des engrains pour nos plans de café », témoigne Joseph Mateso Mirembe Bule.
Ces agronomes, un fait l’inspection interne et un autre de l’inspection externe. Ils sont basés à la microstation de lavage et visitent les champs aussi régulièrement que possible.
Aujourd’hui, La COOPADE a trois certificats pour son café grâce à cet appui. Le certificat Rainforest Alliance, le certificat Biologique et fait Red.
Le partenariat avec PASA ne se limite pas. Aujourd’hui, il donne le fonds de commercialisation à ses partenaires, dont la COOPADE.
Ce fonds permet de commencer la saison en achetant les produits en début de saison. Ce fonds n’est pas rembourser avec intérêt.
« Souvent nous achetons le café de nos caféiculteurs avec les crédits des banques pourtant les échéances des banques pour les prêts arrivent souvent en retards. Ainsi ces fonds, on les utilise avant l’arrivée des fonds de la banque », explique le chargé de suivi et évaluation de la COOPADE.
Le café, c’est notre vie
« Le café, c’est ma vie, car c’est ma source principale de revenu, pour ma famille et toute ma communauté », explique Kambale Kasavo Justin, habitant de Kasundi en territoire de Beni, chefferie de Bashu, groupement Isale Kasongwere, Village de Kyondomo. Il est caféiculteur depuis l’enfance. Car c’est la culture des parents. Aujourd’hui, 35 ans, marié et père de plus d’un enfant.
Et aujourd’hui, il est fier d’être un jeune caféiculteur. Puisque lorsque lors de la sensibilisation quand COOPADE leur ont montré le prix par rapport à l’ancien prix, ils ont rêvé de mieux vivre.
« Et nous avons rêvé déjà de vivre mieux avec COOPADE si on gagne autant. Et la vie a réellement changé. Maintenant le café, nous le prenons comme notre boutique nous les cultivateurs. Nous avons compris que nous devons prendre soins de nos champs chaque jour », ajoute-t-il.
« Avant, ils produisaient 1kg des cerises par tige puisque le café n’était bien entretenu. Depuis qu’ils appliquent des bonnes pratiques agricoles, ils sont passé de 1 à 4 kg de cerises par an », affirme Ghislain kasereka Vakatsuraki, superviseur de la Coopérative Paysanne de Développement COOPADE
A Kambale Kasavo Justin de témoigner, avant produire 100 kg, c’était un effort énormes, aujourd’hui, je produis facilement 200 ou 250 kg dans les même champs. »

Et à Joseph Mateso Mirembe Bule de renchérir, « Un kg de cerise c’est à 1000 Franc et le café séché dit pilonnet est à 4500 fc. Cash. Aujourd’hui, je produis mieux. Aux lieu de seulement 100 kg , je produis 1500 Kg de cerise à la grande saison, 450 kg en moyenne à la petite saison. »
« Je marie mes enfants déjà, d’autres étudient. J’ai construit une maison durable à 40 tôles. Et je ne suis pas le seul. Chez nous, il n’y avait que des maisons en chaume mais aujourd’hui, grâce à la rentabilité du café, maison semi-durable ou en terre cuite, durable, tout est en tôle dans notre village et notre région des caféiculteurs. Aujourd’hui, même ceux qui ne cultivaient du café veulent avoir des champs de café », ajoute-t-il ainsi avec toute fierté dans son cœur transmise par la tonalité de sa voix.
« Ma plus grande réalisation grâce au café ? C’est ma vie, car tout dépends du café. Tout est fait grâce au café depuis qu’il est redevenu rentable la vie a complètement changé. », clame fort Kambale Kasavo Justin.
Le café de la COOPADE est exporté dans certains pays africains comme l’Ethiopie et Kenya mais aussi en Europe (Belgique, France et suisse). En Asie et aux USA.
Le laboratoire made in Virunga Fondation
Avant d’être exporté, le café de la COOPADE passe par un laboratoire pour se rassurer de la qualité. Ce laboratoire est installé en ville de Butembo où nous reçoit l’Ir Ir Kamate Masinda Ndovya, il est dégustateur et responsable de ce laboratoire acquis grâce à la Virunga Fondation en 2020.


« Une fois le café ici à Butembo, nous prélevons l’échantillon pour analyse et rendons rapport au chef de la certification pour que soit effectué le reste du processus comme le déparchage en tenant compte de la qualité », explique-t-il en montrant les différents cafés.
Les cafés sont traité de différentes manières comme c’est café dit « Full washed », c’est un café qui a été traité suivant le processus standardisé au niveau international. Le semi-washed est traité par un agriculteur isolé.
« Ici, nous n’améliorons pas la qualité du café. » Nous constatons la qualité car la qualité commence au champ. Ici, nous faisons l’analyse sensorielle ou physique et l’analyse dans la tasse en dégustant plusieurs qualités, et nous sommes formés pour ça, pour classifier les qualités. Même ce qui est censé être la première qualité peut avoir des insuffisances suite au suivi du processus des champs au traitement », explique-t-il.
La consommation locale à renforcer pour faire face aux défis
« Nous avons déjà initié le système de la consommation locale. La quantité elle est encore minime. Nous pouvons l’estimer à 1000 kg par saison contrairement à une dizaine des centenaires que nous exportons », explique Ghislain kasereka Vakatsuraki. C’est le « Café COOPADE ». Il est présent dans certains supers-marché en ville de Butembo.
Pour remédier à la faible consommation, Ghislain kasereka Vakatsuraki pense qu’il faut sensibiliser la population sur les bienfaits du café, le rendre disponible en bas prix et dans les cantines qui sont aux alentours des consommateurs. Car on ne consomme pas ce que l’on ne voit pas.
« La présence du café peut booster sa consommation et cette consommation peut nous permettre de faire face à la fluctuation du prix, parce que souvent la décision du prix du café se décide ailleurs et ce changement nous affecte souvent. Quand vous avez acheté des produits et à l’exportation, on vous dit que le prix a chuté. Dans ce cas, on déciderait de consommer localement pour ne pas perdre, comme le fait l’Éthiopie qui consomme 80% de leur production. Quand il y a fluctuation du prix, ils ne sont pas assez touchés », espère Ghislain Kasereka Vakatsuraki.
L’impact de PASA est significatif. Disant merci à PASA-NK qui participe à ce boostage de la production mais aussi à la recherche des débouchés. Car il en faut de plus en plus vu l’évolution de la production.
Vue que tout le monde se rue vers le café, « ce qui est à faire, il y a encore des caféiculteurs qui sont très loin des micros stations et ils veulent que le micro stations soient placés plus près d’eux et que PASA puisse continuer à assurer l’entretien et le renouvellement des machines. La création des plus de route de desserte agricole car au moins toutes les micros-stations sont accessibles par des bonnes routes », espèrent les caféiculteurs.
Plus encore, qu’il ne cesse de prendre soin des agronomes qui leur sont très utiles. Néanmoins, une difficulté majeure qui persiste dépend du gouvernement : la situation sécuritaire et générale de l’économie du pays.
« Prenez par exemple, le taux du dollar américain, aujourd’hui quand nous vendons le kilo de cerises à 1000 fc, c’est censé être 0,5 dollar américain mais il n’y a pas d’équivalence. Et tout commerçant sait bien l’incidence de cette différence sur tous les calculs de prévisions. Se plaignent les caféiculteurs.

Hervé Mukulu
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