Savourer de délicieuses sauterelles du Nord-Kivu, mais…

La saveur des sauterelles est comparable à celle de la viande de poule, dit-on. Peut-être qu’on exagère. Mais je précise : comparable à la viande de poules traditionnelles. Pas vos poules en carton dites poulets de chair. Les sauterelles sont les délices saisonniers de plusieurs familles dans l’est de la RDC.

Dans les villes de Beni, Butembo, et les cités voisines,  novembre et  décembre sont de véritables mois de fêtes. La « manne » tombe du ciel : je parle des sauterelles. Des insectes migratoires fuyant l’hiver, dit-on, et qui passent par la région. Ils sont tellement succulents que dans le temps, les hommes, machos par nature, se les étaient appropriés.

En effet, pour la petite histoire, il y a quelques décennies  chez le peuple Nande, la tribu majoritaire du grand nord de la province du Nord-Kivu, seuls les hommes avaient le droit de manger les sauterelles. Pareil pour la viande de poule. Avec le modernisme, tout le monde a le droit de manger les sauterelles. Elles sont simplement grillées à l’huile. On y ajoute un peu de sel et c’est prêt !

La chasse aux sauterelles est devenue une grosse machine à sous. Certains en ont fait tout un business saisonnier. J’ai évoqué cet aspect dans un numéro du magazine Afrique agriculture. Je vous recommande de le lire.

Manger les sauterelles n’est pas sans inconvénient

Cependant, les mésaventures ne manquent pas. Un jour, une douloureuse expérience m’a enlevé le goût de manger les sauterelles. En décembre 2018, j’ai vécu une semaine cauchemardesque avec ces insectes. Tous les soirs, après mon journal de 20h, j’avais l’habitude d’acheter au bord de la rue une mesure de sauterelles dans un sachet pour 500 ou 1000 francs congolais. Et je rentrais tranquillement chez moi en train de les manger. Un soir, une patte de sauterelle s’est tout simplement mise en travers de ma gorge. Je me suis raclé la gorge, j’ai avalé des litres d’eau, essayé de vomir de force, mais en vain, ce truc ne bougeait pas.

Le lendemain au petit déjeuner, je ne pouvais plus rien avaler. Je sentais une piqûre dans la gorge.  Une semaine durant, manger était devenu une torture pour moi. Je m’efforçais. Et Dieu merci, un jour la douleur a disparu. J’ai compris que la maudite patte de sauterelle avait fini par se décomposer dans ma gorge.

C’est le genre de calvaires que vivent  bien des parents avec leurs enfants. Une telle douleur pour un adulte comme moi, imaginez si c’est un enfant ! Certains enfants passeraient des jours d’hospitalisation.

Après cette mauvaise expérience, très peu de gens continueraient à manger ces sauterelles. Moi je continue à les déguster. Surtout lorsque le goût est davantage amélioré grâce aux épices. Par contre, voici ce qu’a vécu une amie. Chance c’est son nom. Elle raconte : « Ce jour-là j’ai fait une sauce à base de sauterelles. J’ai mis tout ce que nous mettons dans la sauce pour accompagner mon foufou. Mais en mangeant j’ai eu de la nausée et j’ai tout vomi. Depuis ce jour-là, je ne supporte pas de voir les sauterelles. Ça me donne de la nausée. »

Durée de conservation des sauterelles

Souvent, les sauterelles sont capturées la nuit pour être vendues le lendemain. Et le lendemain, au delà de 16 heures si elles ne sont pas frites, elles se décomposent et sentent mauvais. Là où elles sont vendues dans cet état, les rues près des marchés puent comme des fosses septiques à ciel ouvert. Il faut boucher son nez quand on passe par là. Cette mauvaise odeur a ôté le goût à plusieurs fans des sauterelles. « Le pire c’est de manger une sauterelle en début de décomposition et qui n’a pas été bien cuite. Vous devenez complétement dégoûté », affirme Simon, un habitant de Butembo.

Les sauterelles ont avec elles un autre insecte, appelé localement « ekonda ». Il mord comme une fourni. Pour s’en débarrasser, on l’écrase sur la peau (le bras, le pied, le cou, la figure…) souvent sans faire beaucoup attention. Une fois écrasé, son liquide cause des démangeaisons sur la peau, provoquant une sorte d’ecchymoses qui ressemblent à des brûlures. Si c’est au visage, certaines personnes sont défigurées. Cela prend du temps et de l’argent pour être guéri.

A relire :

  1. À Beni, on conserve bien la bière mais pas la viande

La saison des sauterelles reste un cauchemar pour les bouchers et les poissonniers. Car ces insectes remplacent ces deux mets sur plusieurs tables au diner.

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