Considéré pendant longtemps comme l’un des légumes les moins chers et essentiel pour assurer la continuité des repas dans les ménages tout au long de la semaine, le sombé semble désormais connaître une évolution inattendue. En l’espace d’un mois, le prix du fagot est passé de 2 000 FC à 10 000 FC. Parmi les principales causes de cette hausse : la sécheresse et l’insécurité dans les zones rurales.

Ce samedi 15 février, comme chaque samedi, c’était jour de marché, notamment pour les légumes. C’est ce jour que les paysans apportent leurs stocks de produits vivriers sur les marchés urbains, permettant aux responsables des ménages de faire les provisions pour la semaine.
Si l’on rate le samedi, le mercredi est aussi un jour de marché. En raison de l’abondance des produits disponibles ce jour-là, de nombreux responsables de ménages, principalement des femmes (plus de 90%), s’attendent généralement à une baisse des prix. Mais ce samedi 15 février a réservé une grande déception.
À la question du prix posée par Madame Kasoki, dans une avenue proche du marché central de la ville de Butembo, la réponse fut sèche : « 10 000 FC ». Lors du week-end précédent, elle avait acheté un fagot de sombé à 8 000 FC. Avec les quelques pluies tombées au cours de la semaine, elle espérait une baisse des prix. À sa grande surprise, les prix oscillaient désormais entre 10 000 et 12 000 FC le fagot.
Presque au prix de la viande, mais le sombé reste essentiel
Il y a à peine un mois, un tas de sombé se négociait entre 1 000 et 2 500 francs. Aujourd’hui, il se vend entre 8 000 et 12 000 francs congolais.

« Le sombé atteint presque le prix de la viande, mon Dieu ! », s’exclame une maman, aussi stupéfaite que Kasoki. En effet, le kilo de viande de bœuf coûte environ 5 $ (soit 14 500 francs congolais). Cependant, malgré cette flambée des prix, les ménages n’ont pas d’autre choix que d’acheter ce légume, essentiel pour accompagner le repas principal, ou parfois même constituer ce dernier dans de nombreux foyers, notamment dans la région du Kivu et en RDC en général.
En RDC, le repas du soir dans les ménages congolais se compose traditionnellement de foufou (une pâte faite à base de farine de manioc) et de sauce (viande, poisson, voire insectes), le tout accompagné de légumes, principalement le sombé.
Le morceau de viande ou de poisson, souvent très petit, ne suffit pas à rassasier les convives. C’est pourquoi le sombé, en grande quantité, permet de compléter le repas et de s’assurer que tout le monde mange à sa faim. Un adage du peuple Nande, dans la province du Nord-Kivu, rappelle que « la viande ne rassasie jamais ». D’où l’importance de toujours avoir un légume à côté, qui, dans bien des cas, constitue même la sauce du repas.
Parfois, des condiments comme des cubes de Maggie sont ajoutés pour donner un goût de viande ou de poisson à la sauce.
Contrairement aux autres légumes qui ne se conservent que deux jours, soit en raison de leurs petites quantités, soit parce qu’ils se dégradent rapidement, le sombé, roi des légumes dans les foyers congolais, peut durer toute une semaine sans perdre de sa saveur. Mieux encore, lorsqu’on y ajoute les restes de soupes, il devient encore plus délicieux au fil des jours.

Face à cette hausse des prix, de nombreuses responsables de ménages adoptent des stratégies qu’elles n’avaient jamais envisagées auparavant, ou qu’elles pensaient réservées aux plus démunis : « Diviser le fagot en deux ». Mais ce geste est fait avec des regrets. « J’ai 10 personnes à la maison. Cela ne tiendra même pas deux jours. La vie devient de plus en plus difficile », se plaint une maman, dans la cinquantaine.
L’insécurité dans les milieux ruraux
Kasereka Zozo, l’un des rares revendeurs interviewés par La Voix de l’UCG, met en lumière deux raisons principales de la hausse des prix du sombé : l’insécurité dans les zones d’approvisionnement et le manque de pluie.
« En raison de la situation sécuritaire dans les zones d’approvisionnement, le prix du sombé pourrait continuer d’augmenter. Personne ne s’aventure actuellement dans les champs. C’est un miracle si nous parvenons à trouver les quelques légumes que nous apportons sur le marché. Les habitants ont fui les massacres. La pénurie est également due à l’absence de pluie. D’abord, il y a la question de la pluie, puis l’insécurité qui menace les agriculteurs dans les villages où des groupes armés se livrent des combats, d’abord entre eux, puis contre les FARDC déployées pour protéger la population », explique-t-il.
Le sombé consommé à Butembo provient généralement de Mabambi, Ngongi, Kalundu, Kivugha sur le tronçon Butembo-Muhangi, ainsi que de Masoya, en territoire de Lubero, des zones aujourd’hui devenues insécurisées.
Hervé Mukulu & Julienne Muhima.