Les défis  de la certification du café et cacao vues de la RDC

Menacés d’être exclus du marché européen faute des certificats Fairtrade et Bio, les membres de la FEC Beni attirent l’attention des gouvernants Congolais sur la résolution de ce problème , un des ceux  consécutifs à l’instabilité dans la région du Kivu.  Dans ce papier des experts expliquent en quoi consistent ces certifications pendant que le Ministre Julien Paluku explique la réglementation zéro déforestation en plus des enjeux politico-économiques. Les perspectives y  sont  aussi proposées. 

Article rédigé par Hervé Mukulu.

A partir de Janvier 2025 le café et le cacao congolais ne seront plus admis comme produits organiques et équitables sur le marché de l’Union européenne. Et cela suite au fait que l’agence agréée de l’Union Européenne AFRICERT n’a pas pu déployer ses enquêteurs sur terrain suite à l’insécurité dans la région du Kivu.  C’est l’essentiel de l’alerte   de la Fédération des Entreprises du Congo, groupement territorial de  Beni transmise au ministre du commerce extérieur  le 17 décembre 2024.

Ces opérateurs économiques œuvrant dans le secteur d’exportation des cacaos et du café ont été surpris de recevoir des organismes de certification  la notification de retrait de RDC de la certification Fairtrade » et « Bio ».

Par crainte des conséquences  désastreuses  comme la fraude, la contrebande  qui vont sensiblement baisser la quantité exportée par la RDC   au profit des pays étrangers et nourrissant l’instabilité dans la région; ces opérateurs économiques    demandent au gouvernement de négocier avec l’Union européenne.

Car les activités du cacao et café offrent de l’emploi direct à 250 milles congolaises  qui sont les producteurs sans compter les autres intervenants sur les deux chaînes de valeurs et leurs dépendants.  Plus encore, c’est la deuxième source de rapatriement des devises d’exportation  pour notre pays en dehors  de leurs apports aux recettes fiscales  de l’Etat. Pour la seule de 2023, les seules exportations de cacao ont représenté plus 480 millions de dollars américains rapatriés.”, lit-on dans cette correspondance. 

En effet, le vrai problème que soulève cette lettre n’est pas au niveau  de l’application  de la réglementation  de l’Union européenne pour la déforestation mais plutôt au niveau de l’accréditation  des organismes de certification.

Ce qui déroge un peu du sujet central  de la conférence de presse du ministre du commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, diffusée sur la Radio Télévision Nationale Congolaise, le lundi  30 novembre après 21h30. 

Toutefois, le ministre congolais du commerce extérieur ne comprend pas comment l’Union Européenne ne sanctionne  pas les agresseurs mais plutôt les victimes. 

Les milices et rebellions étrangères qui envahissent le patrimoine mondial  en péril, le Parc National des Virunga ne sont pas sanctionnées. Ceux qui nous imposent cette guerre économique non plus. 

Mais, “c’est quand nous changeons d’optique économique , au lieu d’investir dans les mines, nous mettons l’argent dans l’agriculture. C’est là qu’on nous sanctionne.” , s’indigne-t-il.  

Pour Julien  Paluku Kahongya, ce n’est pas normal que les agents de ces agences de certifications soient plutôt installés dans les pays voisins qui ont intérêts à ce vol des produits congolais au lieu de s’installer en RDC.

Des méthodes de certifications qui sont remises en cause par certains acteurs du  secteur : « Avec l’insécurité dans la zone, j’ai vu des auditeurs des entreprises de certification dont je tais le nom, s’arrêter en ville de Beni pour les inspections, se contentant de visiter quelques champs de trouvant aux alentours de la ville sans aller dans les villages lointains où se trouve le plus grand nombre des champs. Je suis témoin de ça. Ils ne sélectionnent plus  les champs de manière aléatoire comme le recommande les normes de certification. Ils se contentent des réponses contenues sur les fiches d’inspection internes de l’entreprise pour les champs se trouvant loin. Dis moi, comment peux-tu certifier que le cultivateur de cacao applique la taille, ou fait le sarclage ou qu’il n’applique pas des engrais chimiques sans te rendre dans son champ? Soyons sérieux avec les choses. Rainforest Alliance (qui a fusionné avec UTZ en 2018), l’organisation qui établit des normes en matière de durabilité et délivre des certifications aux producteurs respectant ces standards des certificats Fairtrade, Bio, FFL et autres, doit avoir compris que les rapports que les auditeurs des entreprises de certification telles que  Africert, Flocert ou Ecocert ne sont pas suffisamment crédibles étant donné l’insécurité dans la zone de production du café et cacao dans les régions de  Beni et Lubero. Ils ont compris que ces auditeurs n’arrivaient plus au terrain, dans les champs se trouvant dans les villages insécurisés”, s’indigne un jeune de la ville de beni oeuvrant dans ce secteur. 

Pourtant un autre acteur témoigne dans un groupe whatsapp : « Cette année, je viens de passer 2 inspections externes avec les auditeurs d’Africert.  Les audits se passaient dans des champs des producteurs.  Celui qui t’a raconté que les inspecteurs s’arrêtent à Beni ville ou Butembo t’a menti.
Le reste n’est qu’un assemblage de faux-fuyants inventés par l’UE qui cherche à singulariser son approche contre les pays africains pris séparément.
»

Les certificats et leurs agences

UTZ est un label de certification international qui signifie “bon” en maya quiché, une langue ancienne d’Amérique centrale.. Il a été lancé en 2002 par un producteur de café guatémaltèque et un torréfacteur néerlandais qui souhaitaient introduire la certification du café sur le marché mondial et diffuser l’impact des pratiques agricoles durables à l’échelle mondiale. UTZ est membre de la Rainforest Alliance.

Cette dernière  est une organisation internationale à but non lucratif qui œuvre pour la conservation de la biodiversité et la promotion de pratiques agricoles, forestières et touristiques durables. Son objectif principal est de protéger les écosystèmes naturels et les communautés locales tout en favorisant des pratiques économiques responsables. L’organisation utilise un système de certification pour encourager des pratiques respectueuses de l’environnement, des droits des travailleurs et des communautés locales.

Rainforest Alliance joue un rôle important dans la promotion de pratiques agricoles et forestières durables à l’échelle mondiale. Grâce à sa certification, elle permet aux consommateurs de faire des choix éclairés en matière de consommation responsable, contribuant ainsi à la préservation des écosystèmes et au bien-être des communautés locales.

Parmi ces certificats, on cite  Fairtrade, Bio, NOPet FFL. Ce sont des labels qui attestent des pratiques responsables dans la production de biens de consommation, en particulier dans l’agriculture. Chacun de ces labels a des critères spécifiques qui visent à promouvoir des pratiques éthiques, durables, respectueuses de l’environnement et des droits des travailleurs. Voici une explication détaillée de chacun de ces certificats

Le label Fairtrade (ou Fairtrade International) est l’un des labels les plus reconnus au monde dans le domaine du commerce équitable. Il vise à garantir que les producteurs des pays en développement, souvent des agriculteurs ou des travailleurs, reçoivent un prix équitable pour leurs produits et bénéficient de conditions de travail décentes.

Le label Bio (ou Agriculture biologique) atteste qu’un produit a été cultivé sans l’utilisation de produits chimiques de synthèse (pesticides, herbicides, fertilisants chimiques) et sans OGM (organismes génétiquement modifiés). Il garantit également une approche respectueuse de l’environnement et de la biodiversité. Et cela doit être vérifié que le chocolat qui se retrouve sur les étagères d’un supermarché de n’importe quel coin du monde a respecté ces normes. 

Ces certificats sont des labels importants qui permettent aux consommateurs de faire des choix responsables et éclairés en matière de produits agricoles et de consommation. Fairtrade se concentre sur la justice sociale et économique pour les producteurs, Bio garantit des pratiques respectueuses de l’environnement.

Ces labels permettent aux consommateurs de soutenir des pratiques agricoles et commerciales qui respectent les droits humains, l’environnement et la durabilité.

Les défis de ces certificats bios ne concernent pas que la RDC rappelle Patient Mapendo , conseiller au sein de la Fondation Agritera qui accompagne les coopératives agricoles dans le secteur du café.

Tous ces opérateurs de la chaîne biologique, à tous les stades, à partir de la production du café, du cacao, surtout ici dans notre pays, en RDC, notamment au Nord-Kivu, tous ces acteurs sont contrôlés au moins une fois par an par des organismes certificateurs, mandatés par les pouvoirs publics, et qui répondent à des critères d’indépendance et d’impartialité. Et vous avez vu que dans la lettre de la FEC-BENI, ils mentionnent AFRICERT. 

AFRICERT est un organisme de certification assigné et accrédité pour la certification biologique de l’Union européenne, et cela comprend la catégorie A, qui comprennent les aspects de la production végétale, la catégorie B, qui comprend l’apiculture, et la catégorie D, qui comprend la transformation biologique des produits agricoles destinés à l’alimentation. Les domaines d’accréditation et d’approbation couvrent, pour AFRICERT, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud, le Burundi, la RDC, le Ghana, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda. Vous comprenez donc qu’il s’agit d’une démarche qui ne concerne pas seulement la République Démocratique du Congo, la démarche concerne tous les pays où AFRICERT est autorisée à opérer, explique cet expert.

Il souligne qu’il y a  dans la région de Beni-Butembo (Nord-Kivu) des entreprises qui ont encore des certificats biologiques délivrés par AFRICERT dans le cadre de la conformité à l’agriculture biologique telle que définie par l’Union européenne et dont les certificats sont encore valides. Il y a une entreprise à Butembo qui s’appelle Nesmara. Il y a aussi la société alimentaire du Congo. Il y a la société SCAK. Mais aussi à Butembo, il y a la soprocopiv que beaucoup de gens connaissent bien. Mais aussi à Beni, à Mutwanga, il y a la coopérative Kawakanzururu.

« Ce sont des entreprises qui ont encore des certificats biologiques délivrés par AFRICERT qui sont encore valables jusqu’en octobre 2025 pour certaines d’entre elles. D’autres, en outre, jusqu’au 25 décembre 2025. Et donc, ces entreprises qui ont encore des certificats biologiques valides même si AFRICERT ne pourra plus intervenir pour inspecter d’autres entreprises, ces entreprises qui ont des certificats valides ont encore la possibilité de vendre sur le marché européen. »,explique Patient Mapendo.

La réglementation sur les produits sans déforestation de l’UE

« zéro déforestation” fait référence à un objectif ou à une politique visant à stopper complètement la déforestation, c’est-à-dire la coupe ou la destruction des forêts, en particulier celles qui sont primaires ou anciennes, afin de préserver les écosystèmes forestiers et leur biodiversité. L’idée derrière cette notion est de garantir que les activités humaines, telles que l’agriculture, l’exploitation forestière, l’urbanisation et l’industrie, n’entraînent plus la perte de forêts naturelles.

Censé être mis en application dès janvier 2024, le ministre Julien Paluku fait remarquer que sa mise en application est repoussée pour fin 2025.  En dehors de cela, si les produits congolais sont sanctionnés ça ne serait que de la mauvaise volonté: “La RDC ne devrait pas être concernée, souligne le ministre Julien Paluku Kahongya , car nous avons 80 millions des terres arables qui  n’ont rien à voir avec les forêts. Une Terre cultivable n’est pas une Terre forestière, et puis les terres cultivables ne contribuent qu’à 0,03% à la déforestation annuellement. Nous avons encore plus de 100 ans devant à ce rythme.

Le ministre Julien Paluku s’interroge sur  l’intention  des experts de l’UE, en plus de couvert forestiers qui n’est pas assez valorisé ( séquestrant 1 milliard de tonnes de CO2 par an) , le ministre pense que nous devrions bénéficier des crédits carbones sur les plantations des cafés et cacaos établis d’ailleurs sur des terres agricoles pourtant  et qui participent à la séquestration du carbone.

Car le caféier et le cacaoyer peuvent effectivement séquestrer le carbone, en particulier lorsqu’ils sont cultivés de manière durable, dans des systèmes agroforestiers ou sous couvert forestier. Cependant, pour maximiser cet effet positif sur le climat, il est essentiel que les pratiques agricoles respectent des normes durables qui favorisent à la fois la séquestration du carbone et la protection des écosystèmes. La déforestation, l’agriculture intensive et les mauvaises pratiques agricoles peuvent limiter ces bénéfices, voire les inverser.

Solutions pour la RDC

Le ministre du Commerce extérieur Julien Paluku parle de “ Kinshasa mercantil exchange”, une bourse kinoise en étude pour nous permettre de fixer les prix de nos produits sur le marché international.

Il ajoute qu’il faut intensifier les zones économiques pour la création des entreprises qui transforment les produits agricoles congolais en vue d’une valeur ajoutée et d’une exportation sans frais de douane. L’Etat crée le cadre le cadre légal et il revient aux opérateurs économiques de s’en saisir en installant des entreprises dans les zones économiques spéciales déjà effectives. Il ajoute qu’il faut aussi la diversification du marché.

L’Afrique avec 1,46 milliard d’habitants devrait être un considéré comme le premier marché, l’europe c’est 748 millions et les USA 332 millions alors que la chine et l’Inde c’est plus de 2,5 milliards d’habitants ce qui s’avère être un gros marché.

Saisi par la FEC, le ministre Julien Paluku dit qu’il y  a un  défaut de compréhension,  en 2025 , ce sera une année de dialogue et puis le gouvernement prendra des  mesures réciproques si les victimes que nous sommes sont sanctionnées.

Un acteur du secteur de la certification des produits agricoles qui a requis l’anonymat, souligne  que “le  vrai combat à mener par la FEC, l’ASSECAF et les producteurs du café et cacao est de plaider pour la restauration de la paix dans la région de Beni,  Lubero, Irumu et Mambasa. C’est vrai  que les produits agricoles de l’EST sont certifiés depuis très longtemps, période où la guerre était toujours là mais il faut savoir que la situation s’est dégradée et continue de le devenir dans cette région, principale zone de production du café et cacao à l’Est de la RDC”.

« C’était d’abord Ecocert qui s’était retiré, puis Flocert et voilà Africert.
Même quand les auditeurs de ces entreprises arrivaient dans la zone pour l’inspection externe, ils choisissaient des zones à moindre risque sécuritaire où ils pouvaient aller. C’était le plus souvent Watalinga, Mambasa, Mangina etc. Mais la situation s’est dégradée  de plus. », souligne-t-il.
  Il ajoute que « les entreprises d’exportation doivent aussi penser à diversifier leurs zones de production. Le cacao peut pousser presque sur toute l’étendue du territoire national. Le Kongo central par exemple, il y a beaucoup d’agriculteurs de cacao dans les territoires de Tshela et Kukula et là d’ailleurs le prix de 1kg de  cacao est inférieur à 2$  auprès des planteurs alors qu’à l’EST c’est 7.5$.  Des zones comme la province de Sud Ubangi (ville de Gemena) sont à explorer pour l’exploitation de la filière cacao et café. La province de Sud Ubangi a comme point de sortie la ville de Zongo, frontalier à Bangui, capitale de la République Centrafricaine (RCA). L’exportation peut se faire à travers le RCA puis  le Cameroun pour l’accès à l’océan Atlantique au niveau du port de Douala.»,  fait-il savoir.

Les compétences en matière de contrôle des normes de certification existent déjà dans la zone de Beni Lubero. Je recommande que les experts de la RDC pensent aussi à créer des entreprises de certification concurrentes à Africert, Ecocert ou encore Flocert. Si les auditeurs étaient  des Congolais, habitants de Beni ou de Butembo, ils ne pourraient pas hésiter d’aller visiter les champs des planteurs, même se trouvant dans les zones éloignées, pour les inspections externes. Ceci serait aussi une preuve de résilience suggère Katembo Juhudi Duparc. 

Le certificat NOP (National Organic Program) de l’USDA est l’équivalent du label Bio européen, nécessaire pour exporter des produits biologiques vers les États-Unis. Les entreprises et coopératives agricoles congolaises peuvent obtenir cette certification pour accéder au marché américain des produits agricoles biologiques. Cette opportunité est renforcée par l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), accord pour lequel la RDC est éligible, facilitant ainsi l’exportation de produits vers les USA. Parmi les produits agricoles congolais éligibles à l’AGOA figurent le café, le cacao, l’huile de palme, le thé, le manioc, les fruits tropicaux tels que l’ananas et la mangue, ainsi que divers légumes. 

En tant que patron de l’import-export-transit et de la diplomatie commerciale, le ministre du commerce extérieur est, par principe, le premier concerné du dossier d’exportation du café et du cacao. Mais dans la pratique, l’exportation du café et du cacao constitue le principal des missions de l’ONAPAC, placé sous tutelle du ministère de l’agriculture. Et quand les considérations sécuritaires s’y invitent, la question devient encore plus complexe, contextualise le ministère de commerce extérieur.

Hervé Mukulu

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