Le mardi 15 avril 2025, Ir Mbusa Kamavu Yves, Chef des travaux à l’Université Officielle de Semuliki (UOS/Beni), a soutenu publiquement sa thèse de doctorat en Sciences Agronomiques, option Phytotechnie de l’Université Catholique du Graben. La soutenance s’est tenue dans la salle S1 de l’Institut Technique Agricole et Vétérinaire (ITAV) de Butembo, à partir de 13h00, en présence d’un jury composé de sept éminents Professeurs, dont trois en visioconférence. L’événement a attiré un large public, confirmant l’intérêt suscité par la thèse intitulée : « Performances des clones de manioc (Manihot esculenta Crantz) dans les zones agro-écologiques du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo. »
Lors de la soutenance publique de sa thèse en sciences agronomiques à l’Université Catholique du Graben (UCG), une fois la parole donné au public, l’ingénieur Mbusa Kamavu Yves a été interrogé par le Dr Kasika Lukwamire Eric, écologiste et enseignant à la Faculté des Sciences Agronomiques de l’UCG. La question portait sur une croyance populaire circulant sur les réseaux sociaux : “Le manioc rend-il bête ?”
Cette interrogation fait écho à une épidémie de Konzo, une maladie neurologique paralysante, qui sévit depuis plusieurs mois dans le territoire de Feshi, à environ 385 km de Kenge, capitale de la province du Kwango, au sud-ouest de la République Démocratique du Congo. Cette maladie touche principalement les enfants et les adolescents âgés de 4 à 18 ans, provoquant une paralysie des jambes et du dos.
En réponse, l’ingénieur Mbusa Kamavu Yves, fort de son expérience dans le domaine et de près d’une décennie de recherches, a affirmé : “Le manioc, s’il est bien traité, ne nous causera aucun problème de santé.“
Le problème majeur lié à la maladie de Konzo dans la province du Kwango est d’ordre culturel : dans certaines communautés, le manioc est consommé cru, sans traitement préalable. Or, il est bien connu que le manioc, particulièrement dans sa variété amère, contient de l’acide cyanhydrique (HCN), un composé hautement toxique. Le niveau de HCN varie selon les variétés, le manioc amer en renfermant une quantité bien plus élevée que le manioc doux.
L’ingénieur Ir Mbusa Kamavu Yves, lors de sa soutenance de thèse à l’Université Catholique du Graben, a insisté sur l’importance de la transformation du manioc pour la santé publique. Il rappelle que même nos grands-mères connaissaient les bonnes pratiques de préparation : la farine de manioc obtenue à partir de racines ayant été préalablement trempées plusieurs jours dans l’eau, après avoir été pelées en enlevant la couche supérieure, est considérée comme la plus sûre. En effet, cette couche externe du tubercule est celle qui contient le plus de toxines.
Dans son travail scientifique, Ir Mbusa Kamavu Yves souligne : « Il est impératif de promouvoir la consommation de farines de manioc issues du traitement par voie humide. Ce procédé réduit considérablement le taux de HCN, car ce composé est soluble dans l’eau, volatil, et s’élimine facilement lors de la cuisson. À une température de 28°C, presque tout l’acide cyanhydrique s’évapore, garantissant ainsi un foufou plus sûr pour la santé des consommateurs. »
Cette affirmation met en lumière l’importance de la sensibilisation et de l’éducation communautaire pour prévenir les maladies d’origine alimentaire comme le Konzo, en encourageant les méthodes traditionnelles efficaces de traitement du manioc.
Et si l’on ne traite pas correctement le manioc, quelle alternative avons-nous réellement ? C’est la question soulevée par Ir Mbusa Kamavu Yves, lors de sa soutenance. Pour une ville comme Butembo, avec près de deux millions d’habitants, dont la grande majorité consomme du foufou au moins une fois par jour, peut-on réellement se passer du manioc ?
Le manioc reste, de loin, l’aliment de base dans le Nord-Kivu. Il occupe la première place dans le régime alimentaire local. Cette culture est particulièrement adaptée aux conditions agro-écologiques de la région. Elle présente de nombreux avantages : un rendement potentiellement élevé (jusqu’à 40 tonnes de racines par hectare), une bonne conservation sur le sol, ce qui facilite la gestion des récoltes et de la consommation.
Face à cela, le maïs, souvent évoqué comme alternative, n’est pas sans limites. Il est aussi l’objet des pénuries dans plusieurs régions du pays suite à une production insuffisante.
Pourtant, des études comme celle menée par Ir Mbusa Kamavu Yves permettent d’identifier les meilleures variétés de manioc, en fonction de critères agronomiques, nutritionnels et environnementaux. Une production optimisée, suivie d’un bon traitement post-récolte, ne présente aucun risque sanitaire. De plus, des nutritionnistes recommandent désormais des mélanges de farines – notamment manioc et maïs – pour produire un foufou plus équilibré et apprécié tant sur le plan gustatif que nutritionnel.

Ironiquement, alors que le manioc est largement cultivé en RDC, la production locale de farine de manioc est parfois insuffisante. Nous importons même des farines en provenance de pays voisins, sans réelle traçabilité ni contrôle sur leur qualité. Certains produits sont introduits frauduleusement sur le marché congolais, exposant les consommateurs à des risques inconnus.
Revenant à l’essence même de sa thèse, menée sous la direction du Professeur Ordinaire Kambale Valimunzigha Charles, Ir Mbusa Kamavu Yves y présente une étude scientifique rigoureuse visant à améliorer la sécurité alimentaire en RDC à travers la sélection, l’expérimentation et la vulgarisation des clones performants de manioc. Une démarche louable et urgente pour un pays où les questions de nutrition sont vitales.

Partant du constat d’une pauvreté extrême, d’une faible production agricole et d’un revenu limité, il a choisi d’expérimenter nouveaux matériels de production du manioc, une culture stratégique dans la région. Les résultats de cette étude pourraient constituer une avancée significative dans la lutte contre l’insécurité alimentaire dans la région, en proposant des solutions adaptées aux réalités locales.
Cependant, la culture du manioc fait face à plusieurs défis majeurs. Parmi ceux-ci, on note le partage non contrôlé du matériel végétal, la propagation des maladies telles que la mosaïque et la striure brune, ainsi que la dégénérescence variétale. Ces contraintes contribuent toutes à une baisse significative de la production.
Face à cette situation, il se manifeste un besoin urgent en variétés résistantes, performantes et répondant aux attentes des consommateurs en termes de qualités nutritionnelles et organoleptiques.
Pour mener à bien cette recherche approfondie, le chercheur s’est posé trois grandes questions :
1. Rendement en racines : Existe-t-il des clones aussi performants, voire plus, que ceux considérés comme satisfaisants et habituellement cultivés (témoins) dans les zones agro écologiques où ils sont testés ?
2. Qualité nutritionnelle : Les teneurs en matière sèche, en amidon et en cyanure dans les racines des clones testés varient-elles selon les zones écologiques ? Et sont-elles compatibles avec celles observées chez les clones témoins ?
3. Acceptabilité des produits dérivés : En termes de couleur et d’élasticité des foufous produits à base des farines issues des clones testés, certains clones sont-ils appréciés par les consommateurs ?
Résultats et recommandations issues de la thèse
Après trois années d’expérimentation et d’analyses rigoureuses des données, il s’est avéré que trois clones de manioc – Mayombe, Kas1 et Kas3 – se sont démarqués par leur performance, avec des rendements supérieurs à 20 tonnes par hectare.
Cependant, le chercheur souligne qu’il serait prématuré de déclasser les clones dits « moins performants », car plusieurs d’entre eux affichent tout de même un rendement supérieur à la moyenne nationale estimée à 8,1 t/ha en RDC. Pour ces clones, il préconise un rééquilibrage de la nutrition du sol – notamment par des essais de fertilisation – comme stratégie d’optimisation du rendement.
Outre le rendement, le chercheur a procédé à l’analyse de plusieurs autres paramètres importants, dont la teneur en matières sèches, en amidon et en acide cyanhydrique (HCN), ainsi que les qualités organoleptiques du foufou. Ces éléments ont été valorisés en termes publication d’articles scientifiques issus de cette thèse.
Principales recommandations
1. Amélioration durable : Les efforts d’amélioration du manioc ne devraient plus se limiter à la mise en place de variétés à haut rendement. Il est essentiel que ces variétés conservent leur potentiel productif dans le temps, à travers différents milieux écologiques, et qu’elles s’intègrent harmonieusement dans les systèmes de production locaux.
2. Essais de fertilisation : Bien que tous les essais aient été réalisés sur des sols sans apport d’engrais, des expérimentations futures devraient explorer l’impact de la fertilisation sur les nouveaux clones. Cela permettrait de déterminer si les clones initialement moins productifs peuvent atteindre, voire dépasser, les 20 t/ha.
3. Valorisation intégrée du manioc : Une étude plus exhaustive devrait inclure toutes les formes de produits dérivés du manioc : sombé (légume-feuille), manioc cuit frais, et autres produits transformés. Il serait pertinent d’étudier, par exemple, l’effet de la récolte des feuilles sur le rendement en racines.
4. Sécurité alimentaire et transformation : Il est impératif de promouvoir la consommation de farines de manioc issues du traitement par voie humide. Ce procédé réduit considérablement le taux de HCN (toxique), car celui-ci est soluble, volatil, et s’élimine facilement lors de la cuisson. À 28°C, presque tout le HCN est évaporé, garantissant ainsi un foufou plus sûr pour la santé des consommateurs.




Un brillant travail salué par le jury et le public
La brillante présentation d’Ir Mbusa Kamavu Yves a été suivie d’un échange enrichissant avec les membres du jury, composé de :
– Prof. Paluku Mutiviti Gilbert, Professeur Ordinaire à l’Université Catholique du Graben (UCG), Président du jury ;
– Dr Kambale Kathavo Symphorien, Professeur à l’UCG, Secrétaire-rapporteur ;
– Dr Litucha Bokolola Joseph, Professeur Ordinaire à l’Institut Facultaire des Sciences Agronomiques de Yangambi, Membre ;
– Dr Mafikiri Tsongo Angélus, Professeur Ordinaire à l’UCG, Membre ;
– Dr Kambale Valimunzigha Charles, Professeur Ordinaire à l’UCG, Promoteur ;
– Dr Muhindo Sahani, Professeur Ordinaire à l’UCG, Membre ;
– Dr Vikanza Katembo Paul, Professeur à l’UCG, Membre.
Après avoir attentivement écouté les réponses de l’impétrant, les membres du jury se sont retirés pour délibérer. À l’issue de cette délibération, Ir Mbusa Kamavu Yves a obtenu la mention Grande Distinction, sous les applaudissements nourris de l’assistance et de sa famille, présente pour partager ce moment inoubliable.
La cérémonie s’est clôturée dans une ambiance conviviale, autour d’un repas festif en l’honneur du nouveau docteur.
Hervé Mukulu
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