Biodiversité : 100 ans de défis non résolus pour le Parc National des Virunga

C’est par un décret royal du 21 avril 1925 que fut créé le Parc National Albert, éponyme au roi des Belges. À l’origine, il couvrait 200 km², situés entre les volcans éteints Mikeno, Karisimbi et Visoke. Ce parc deviendra le Parc National des Virunga, avec une superficie étendue à 7 800 km². Mais cette expansion s’est accompagnée d’un lot de problèmes, qui, cent ans plus tard, demeurent non résolus. Et malheureusement, les perspectives de solutions concrètes restent encore peu rassurantes. Découvrez les plus saillants dans ce blog faisant références à plusieurs reportages d’investigations que nous avons publiés.

Selon les données publiées sur le site officiel du Parc National des Virunga, seulement 3 000 km² sur près de 8 000 sont actuellement protégés de manière effective. Ce chiffre en dit long : plus de la moitié de la superficie officielle du parc échappe au contrôle de l’institution en charge de sa préservation. En conséquence, cette vaste étendue devient un véritable refuge pour les groupes armés, locaux comme étrangers.

Située à la frontière entre la RDC, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, cette région suscite bien des convoitises. Les pays voisins regardent d’un œil intéressé, voire hostile, les immenses ressources naturelles que recèle cette zone. Le territoire devient alors un carrefour du trafic illicite de minerais, de produits issus du braconnage, et bien d’autres activités illégales.

L’État congolais, qui peine à y affirmer son autorité, voit ainsi son absence de contrôle devenir un véritable talon d’Achille. Ce manque de souveraineté profite aux réseaux mafieux et constitue une source de malheur pour les populations locales, qui ne bénéficient aucunement des richesses exploitées et pillées de leur propre sol.

Le Parc des Virunga : entre expansion, conflits et espoir

Le Parc national des Virunga s’est agrandi au fil du temps, souvent par l’acquisition de terres appartenant aux peuples autochtones, parfois sans leur consentement explicite. Certains témoignages rapportent, par exemple, que le gouvernement avait demandé à certaines populations de se déplacer leurs villages pour lutter contre la maladie du sommeil qui décimait alors de nombreuses vies. Des années plus tard, en tentant de revenir sur leurs terres, ces populations découvrent qu’elles font désormais partie intégrante du parc et leur accès y est interdit.

Ce qui n’était au départ qu’une portion réduite de territoire est devenu, avec le temps, un immense parc, tandis que les villages voisins se sont étendus, que les terres agricoles se sont raréfiées, et que les ressources de subsistance sont devenues insuffisantes. Cette situation a ravivé les revendications foncières dans plusieurs zones comme Congo Ya Sika à Kasindi , Mayangose à Beni, le village de pèche de Kyavinyonge avec près de 10 fois d’habitants que requis par la loi,  et d’autres localités proches de Goma. Aujourd’hui, plusieurs villages se trouvent enclavés dans le parc, leurs habitants peinant à subvenir à leurs besoins élémentaires.

Le Parc national des Virunga apporte pourtant une aide notable : il facilite l’accès à l’eau potable à environ 700 000 personnes. Mais cela semble insignifiant face aux plus de 5 millions d’habitants qui vivent autour du parc. Par ailleurs, grâce à son projet hydroélectrique, le parc fournit de l’électricité à 70 % de la ville de Goma ainsi qu’à une vingtaine de villages. Dans une ville où plus d’un million de dollars sont dépensés chaque jour en charbon de bois pour la cuisson domestique, cette source d’énergie propre est une alternative précieuse. Malheureusement, une grande partie de ce charbon est encore produit illégalement à partir du bois du parc, souvent avec la bénédiction des groupes armés.

Malheureusement cette énergie abondante n’est pas desservit en ville de Butembo pour des raisons politiques.

Pourtant, l’arrivée de l’hydroélectricité a également dynamisé l’entrepreneuriat , notamment à Butembo, une ville de plus d’un million d’habitants, portée par une jeunesse particulièrement innovante.

Le parc a permis la création de 11 275 emplois dans l’économie verte. Il finance aussi des initiatives entrepreneuriales de jeunes qui cherchent des solutions concrètes aux problèmes de leurs communautés.

À travers cette réserve de biodiversité unique au monde, véritable sanctuaire et symbole de résilience, le parc des Virunga vise à protéger la nature, promouvoir un développement économique durable et jeter les bases d’une paix véritable pour des millions de Congolais.

Un patrimoine naturel en péril, protégé au prix du sang

L’absence de contrôle sur une grande partie du territoire du Parc national des Virunga fragilise considérablement les efforts de conservation. Pourtant, ce parc abrite une faune exceptionnelle, notamment les grands singes, avec trois taxons emblématiques : le gorille de montagne, le gorille des plaines de l’Est et le chimpanzé de l’Est. On y recense également plus de 200 espèces de mammifères, parmi lesquels des éléphants, des hippopotames, des okapis, des lions, et bien d’autres.

Mais la guerre et l’insécurité fait fuir ces animaux vers les pays voisins, où leur observation est monnayée à prix d’or, enrichissant d’autres nations au détriment de la population congolaise. C’est une véritable fuite de richesses naturelles.

Les efforts déployés par les autorités du parc pour préserver ce trésor ne devraient pas être vains. Ils sont portés par le sacrifice de femmes et d’hommes, les éco-gardes, qui chaque jour risquent leur vie. Le parc compte actuellement 750 éco-gardes. Plus de 200 d’entre eux ont déjà perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions, tombés en héros, défenseurs silencieux d’un patrimoine mondial en danger.

Le Directeur Provincial de l’ICCN, M. Emmanuel de Merode, à l’occasion de la cérémonie de lancement des activités commémoratives du centenaire du Parc National des Virunga a présenté ce bilan dans une cérémonie qui s’est tenue ce jour au Gouvernorat de la Province, à Beni.

SYNTHESE BILAN DU CENTENAIRE DU PARC NATIONAL DES VIRUNGA

 (1925–2025)

Lieu : Beni | Date : 21 Avril 2025

1. CONTEXTE & HOMMAGES

  • 1925 – 2025 : 100 ans d’existence du 1er parc national d’Afrique.
  • Plus de 220 éco-gardes tués en 20 ans dans l’exercice de leurs fonctions.
  • Parc classé patrimoine mondial de l’UNESCO.

2. CONTEXTE SÉCURITAIRE

  • Environ 50% du parc sous occupation armée (M23, ADF, Maï-Maï, FDLR).
  • Environ 1.500 éléments armés actifs autour du parc.
  • 30 millions USD/an : bénéfices estimés des groupes armés issus du trafic des ressources naturelles.

3. MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS

  • 1.516 agents mobilisés :
  • 796 agents ICCN (dont 40 femmes),
  • 484 agents civils de la Fondation Virunga,
  • 236 agents de Virunga Énergies.
  • 1.353 journaliers engagés chaque mois.

4. BIODIVERSITÉ & CONSERVATION

  • Aucune disparition d’espèce recensée en 100 ans.
  • Gorilles de montagne :
  • Croissance de 4,5%/an,
  • 350 individus en RDC (251 habitués),
  • 2 naissances en 2025.
  • Éléphants : 544 recensés en 2024 (record depuis 40 ans).
  • Hippopotames : population stabilisée autour de 1.300.
  • 13% du territoire envahi par le passé, mais les zones clés demeurent protégées.

5. SÉCURITÉ & INFRASTRUCTURES

  • 3 Campements Fortifiés (FOB) en zones critiques : Mutwanga/Nzenga, Bulongo, Mangina.
  • 125 km de clôtures électriques installées pour la cohabitation homme/faune.
  • 577 km de limites matérialisées sur les 1.011 km du périmètre total du parc.

6. TOURISME

  • 15.000 visiteurs en 2015 (avant la dégradation sécuritaire).
  • Parc toujours 1ère destination touristique du pays.
  • Infrastructures d’accueil en amélioration continue.

7. DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE : L’ALLIANCE VIRUNGA

  • 4 piliers : Énergie, Agriculture, Pêche, Entrepreneuriat

Énergie :

  • 4 centrales hydroélectriques : 43,15 MW actuellement.
  • Objectif 2026 : 57 MW.
  • 39.425 ménages, PME & institutions raccordés.
  • 700.000 personnes bénéficient de l’éclairage public.
  • 1 million d’habitants accèdent à l’eau potable.

Agriculture & Industries locales :

  • 8.000 producteurs soutenus.
  • Entreprises locales : Sicovir, Virunga Chocolat, Virunga Enzymes.

Pêche :

  • 80.000 personnes vivent de la pêche sur le lac Édouard.
  • Chaîne du froid gérée par des femmes en expansion.

Entrepreneuriat :

  • 725 PME bénéficient de microcrédits (remboursables via l’électricité).
  • 2.130.209 USD de crédits distribués.
  • 5 millions USD/an versés au Trésor Public via les entités de l’Alliance Virunga.

8. IMPACT SOCIAL

  • 9 écoles construites, 3 centres de santé rénovés.
  • 21.600 emplois indirects créés depuis 10 ans.
  • 1.000 anciens combattants réinsérés via des programmes de développement.

9. CONCLUSION & APPEL

  • Le PNVi est un symbole : biodiversité, paix, développement et souveraineté.
  • Un appel collectif : vers les 100 prochaines années.
  • Engagement à renouveler avec les partenaires, les communautés et l’État congolais.

Hervé Mukulu.

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