Biodiversité : l’absence d’alternatives agricoles durables pousse les populations riveraines à exploiter les ressources du Parc National des Virunga

C’est en substance ce que révèle l’article scientifique intitulé : « Le Parc National des Virunga en République Démocratique du Congo : Pratiques locales de valorisation durable des ressources naturelles dans et autour », rédigé par Kakule Thasi Chadrack, du Département de Santé, Environnement et Développement Durable de la filière de Santé Publique de l’Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL-Goma, RDC). Cet article est publié dans la revue Territoire, Environnement et Développement.

L’étude met en lumière les défis auxquels sont confrontées les communautés vivant à proximité du Parc National des Virunga. Malgré les efforts de conservation, ces populations continuent de dépendre des ressources naturelles du parc pour leur subsistance, en raison de l’absence d’alternatives agricoles socio économiquement et écologiquement durables.

Cette situation souligne la nécessité de développer des stratégies intégrées qui allient la conservation de la biodiversité et le développement socio-économique des communautés locales. Des initiatives telles que l’Alliance Virunga visent à promouvoir le développement durable dans la région, en soutenant des projets d’agriculture durable, de production d’énergie propre et de création d’emplois pour les populations riveraines mais qui s’avèrent encore insuffisants.

Cette étude met en lumière les réalités de la valorisation des ressources naturelles (RN) dans le Parc National des Virunga (PNVi) et ses environs, en soulignant les menaces qui pèsent sur leur durabilité.

L’auteur y démontre qu’il est aujourd’hui difficile de concilier la préservation de la biodiversité avec les impératifs de survie de milliers de riverains, en raison du manque criant d’alternatives viables aux ressources vitales.

L’essentiel du bois de chauffage et du charbon de bois provient du parc, car les populations locales ne disposent pas de suffisamment de terres pour aménager des concessions où planter des arbres à croissance rapide susceptibles de couvrir leurs besoins énergétiques.

Une alternative existe pourtant : l’énergie hydroélectrique fournie par Virunga Énergie et la société Energie du Nord-Kivu, qui représente une bouffée d’oxygène pour les centres urbains, où ménages et entreprises consommait excessivement des hydrocarbures. Cependant, cette énergie reste largement inaccessible aux populations rurales. Pour y souscrire, chaque ménage doit débourser une somme dépassant souvent les 100 dollars, un montant que de nombreux paysans ne voient parfois pas en une année complète, même en milieu urbain.

En ce qui concerne l’alimentation, une grande partie du gibier chassé dans le parc est destinée à la consommation domestique, comme l’illustre le tableau présenté dans l’étude.

La principale menace pour la faune du Parc National des Virunga ne provient pas des populations locales, mais du braconnage perpétré par des groupes armés, des milices ou des rébellions qui occupent la grande partie du parc et en assurent le contrôle illégal.

Face à cette situation, l’élevage domestique pourrait constituer une solution viable pour réduire la pression anthropique exercée sur le parc. Cependant, cette alternative reste difficilement accessible aux paysans, faute de moyens financiers et d’espaces adaptés. Les vastes concessions foncières, souvent détenues par des chefs coutumiers ou acquises par des personnes fortunées, demeurent sous-exploitées, au détriment de la majorité.

En raison du tarissement progressif des ressources naturelles terrestres, les milieux aquatiques comme le lac Édouard ou les zones riveraines pourraient être plus propices au développement de l’aquaculture. Malheureusement, l’absence d’accompagnement de l’État et l’instabilité sécuritaire chronique de la région découragent toute initiative privée durable.

Un exemple concret est le village de pêche de Kyavinyonge, où a été implanté un Institut Supérieur dédié à la pêche et à l’aquaculture. Plus de trois ans après sa création, cet établissement n’a encore eu aucun impact notable, car comme souvent en RDC, la formation académique y prime sur la pratique, limitant ainsi son effet sur le terrain.

L’article scientifique conclut que les pratiques locales de prélèvement des ressources naturelles autour du Parc National des Virunga ne sont pas durables. Elles restent largement incompatibles avec un modèle intégrant les réalités sociales à la conservation écologique du parc.

En effet, les alternatives socioéconomiques et écologiques à la viande de brousse ou au bois de chauffe extrait du parc sont pratiquement inexistantes. De plus, les techniques agricoles utilisées par les communautés locales n’encouragent pas une agriculture durable, en raison du manque de recours aux fertilisants et à des pratiques agro écologiques modernes et productives.

L’étude recommande à l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) et à ses partenaires techniques et financiers de prioriser les projets ayant un impact tangible à la fois social, économique et environnemental sur les territoires riverains.

Hervé Mukulu

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